Nous attentions la visite de notre petit fils et de sa sœur pour deux jours, en cette semaine de vacances de Pâques. C’était un événement car habitant à une heure de route, ce n’était qu’a l’occasion que nous pouvons les voir pendant le temps où leurs nombreuses activités et stages leur laissent quelques répits. Nous les avions à peine vu grandir vu l’éloignement et la séparation de leurs parents. C’était l’occasion de les situer dans leur évolution et les progrès qu’ils avaient fait depuis 6 mois. A mon grand étonnement mon petit-fils était équipé d’une tablette presque aussi grande qu’un format A4. Il avait emporté sa musique, ses jeux, et passait déjà son temps à jouer avec celle-ci.
Pour un peu entrer dans son monde, je lui proposais de se connecter à mon baffle, acquisition récente pour suivre la technologie et profiter d’un peu de musique, dans ce monde qui basculait technologiquement. Pas la peine de l’informer sur la nature des ondes, il connaissait comme un pro : « Bluetooth »
« Comment s’appelle ton baffle ? » me demanda-t-il.
Pour je ne sais qu’elle raison, pour l’indicer, je l’avais 6 mois plus tôt appelé du nom que les petits enfants me donnent. « Patou » répondis-je !
Il me regarda surpris, n’en croyant pas ses oreilles. Comme si son monde s’ouvrait sur une autre réalité, sur les revenants, peut-être les fantômes. Sa sœur, comme une ombre, participait à son étonnement. Fier comme Artaban, il me fit connaître sa musique préférée, celle qu’il écoute en boucle, loin de mon répertoire classique. Mais à force d’en entendre des bribes, j’en connaissais vaguement l’un ou l’autre air. Je me rendais compte qu’il s’agissait de Rap. Je faisais ainsi connaissance avec Bigflo et Oli et leur chanson ; Plus tard .
« Je l’écoute tout le temps !» me dit-il et sa sœur 8 ans ajouta « Je connais la chanson par cœur ! »
L’étonnement avait changé de camp. C’était moi à présent qui découvrait leur intérêt musical et la prosodie de Bigflo et Oli , si éloignée de mes classiques, de mon répertoire de bonnes chansons françaises, avec des textes qui ont du sens et que les grands chanteurs francophones nous partagent depuis longtemps. Adieu ma culture musicale, mon souhait de leur faire entendre mon époque sans doute. Je débarquais sur une autre planète, sur une autre technologie. Avec adresse, il transférait sur mon baffle, avec délice, ses favoris qu’il allait chercher sur Youtube. J’avais un pied dans la nouvelle manière d’écouter la musique mais lui y était entièrement plongé.
Il n’avait pas besoin d’économiser l’argent pour s’offrir un CD en l’achetant chez le disquaire. L’écart entre le monde musical d’aujourd’hui et le mien venait d’apparaître dans toute sa profondeur. Il est vrai qu’à présent avec les fichiers musicaux que l’on charge sur son smartphone ou son ipod tout son univers musical est à portée de main.
Alors que j’avais l’intention de lui offrir la radio FM déclassée, je me rendais compte que c’était peine perdue car la musique obtenue via les émetteurs FM aériens basculait sur le DAB+ et qu’au fond, même la DAB+ ne l’intéressait pas. C’était déjà dépassé par le wifi maison ou via leur Smartphone ou leur baffle portable. L’aîné des petits fils venait d’ailleurs d’en acquérir un avec son premier job de serveur. Ils étaient équipés comme des rois et finalement j’étais hors de l’épure, hors du champ mode actuel, sans espoir de retour.
Que ma bibliothèque musicale serait probablement, à mon départ, mise aux puces si pas à la poubelle. Auraient ils encore l’appareil de lecture d’ailleurs. Mon dernier pc n’en possédait déjà plus un exemplaire. Tant par la technologie que par le contenu ringard de la musique qui faisait mon délice. Me voilà un adepte nouveau, de Bigflo et Oli, que d’ailleurs plus d’un grand parent branché semble connaître.
Quand je pense avec quelle envie, à l’âge de l’ainé, je regardais les enregistreurs à bande magnétique avec comme objectif d’en être propriétaire, bientôt car ils devenaient moins cher et a portée bientôt de ma bourse. Des bandes magnétiques musicales de ce temps là sont encore dans le fond de mon armoire, se dégradant de plus en plus et qui seraient bien compliquées a réécouter car les lecteurs n’existent plus. J’imagine la montagne de déchets que ces sauts de technologie produisent autour de moi. J’en ai la tête qui tourne. Si dans tous les secteurs, il y a de tels pas d’innovation, le chemin en amont, celui de la modernité sera bien différent mais aussi aisément accessible.
Est-ce que cela rendrait mes petits enfants heureux ?
Je croise les doigts, eux seuls le sauront un jour, s’ils s’arrêtent et se posent la question. Si le sens de ce qu’ils veulent vivre émerge.