Par deux fois, j’avais du relire l’article proposé en chronique dans le journal de Mercredi. « La perte d’un enfant, la douleur des parents »(*). Ce titre m’avait attiré comme un aimant. J’allais trouver écho, mettre en mots, cette douleur insupportable, récurrente, qui va, qui vient, inlassablement. Pour cette douleur qui se ravive, je cherchais à nouveau un baume. Quelques mots d’empathie, quelques mots d’apaisement.
Je n’y avais rien lu de semblable, sinon un questionnement de l’auteur sur un deuil spécifique, celui de son domaine.
Quel était le projet de la rédaction, du rédacteur en chef dans la présentation, à ses lecteurs, d’un tel témoignage. Voulait-il fêter un anniversaire, voulait-il offrir un peu de compassion à ceux qui ploient sous le fardeau du départ de leur enfant. Etait-ce le rôle d’un quotidien d’aborder un tel sujet en dehors de la période de mémoire où l’on honore les disparus. Y avait-il une disparition dans la vie des personnes concernées.
Son rôle d’acteur dans la société, mettait le chroniqueur en première ligne d’une souffrance parentale à l’aube de la vie. Un expert semblait chargé du partage de son expérience, de son intuition. Un expert de proximité, théoriquement rempli de compassion nécessaire à ceux qui devaient faire face à cette épreuve impossible.
L’atmosphère du texte m’avait posé question.
Pourquoi ne pas demander à un témoin, pris dans sa chair de parent, d’apporter un témoignage de son parcours, de son expérience. L’insoutenable n’est pas accessible au raisonnement, à l’expression intellectuelle, sans doute plus à celle de l’artiste, du poète.
Rien n’existait d’apaisant, de soignant pour cette blessure, sinon peut-être la parole d’un parent ayant traversé ce drame.
D’être entré dans un autre monde, par cette épreuve, l’endeuillé n’appartenait plus aux lecteurs « Lambda ». Il était autre et seul un pair pouvait l’entendre, le toucher, le rejoindre dans son refuge, son gite.
Fort de sa place de pédopsychiatre, fort de sa formation intellectuelle, le chroniqueur avait proposé sa dimension humaine. L’empathie que j’aurais voulu trouver chez lui me semblait rationnelle. Que peut faire la théorie face à la réalité.
Il m’avait condit dans la confusion alors que j’espérais un soutien.
Quel était son objectif, son champ d’expérience pour mettre en avant, un chanteur d’une autre culture, d’un autre univers chantant « Tears in Heaven »
Qu’est ce qui avait rendu sa célébrité universelle à cet américain que je découvrais.
N’y avait-il pas dans notre culture des artistes remplis de compassion, de voix qui touchent au cœur, comme l’aurait fait Barbara, Maurane, Louane ou Linda Lemay dans « Pas de mots. »
Sur Youtube, j’avais écouté la chanson proposée dont l’auteur parlait et qu’il mettait en valeur. Elle ne me disait rien, me mettait dans la confusion. Il parlait du ciel, sublimait sa détresse, son envie de rester en contact dans ces lieux impossibles à fréquenter. Ce n’est pas dans cet espace qu’est la douleur, c’est dans l’attachement, dans l’arrachement que se situe la réalité. N’y avait-il pas chez ce chanteur, un manque de présence, un manque de racines qui trouvent leur nourriture, leur inspiration, dans les tripes où la souffrance ravage.
Ou bien était-je devenu insensible à ce type de témoignage, par protection pour éviter l’émergence de l’indicible et sa violence ?
Retrouver une présence, échanger encore une fois, même dans l’au-delà, dans le virtuel. Espérer un écho d’un monde mystérieux. Espérer comme tant d’autres de revivre encore des moments de proximité.
Le ciel n’a pas d’écho, à notre complainte, à nos larmes, ce sont nos pairs qui le représentent. Notre entourage qui peut faire sens, nous entendre une fois, dix fois dans notre complainte. Mais où sont ils ceux qui avaient partagés nos joies, nos projets, notre fierté d’être parents ?
L’humilité nous quitte, dit un titre de l’article. Mais notre humilité, c’est simplement d’être à coté, sans conseils, sans discours, sans peur. C’est d’être dans le silence, compagnon d’infortune, vivant parmi les vivants, présent, attentif. Miroir d’un désarroi à reconnaître, à accepter, à supporter.
Ah, les rares personnes qui sont là, les exceptions, les héros du quotidien, dans notre tourmente, nos tourbillons. Ceux là sont dignes d’entrer dans le ciel évoqué par ce chanteur.
(*)http://www.lalibre.be/debats/opinions/la-perte-d-un-enfant-la-douleur-des-parents-5b1fe6f45532a296886b85d7