Ce jour là, premier mardi de la nouvelle session en MLC, les choses ne tournaient pas rond. L’énergie était en cause, l’animatrice avait, in extremis, loué une autre salle car le chauffage de la salle habituelle, était coupé suite à une fuite de gaz. Et dans celle du jour, au fond d’une impasse, un livreur de mazout stationnait, pour sa livraison, en plein milieu de la route, empêchant le passage des voitures. Un véhicule était déjà devant moi, en train d’attendre. J’allais, contrairement à mon habitude, arriver en retard, et manquer le début du cours. La livraison semblait s’éterniser, le temps s’écoulait rapidement.
Etais-je le dernier ? Les autres étaient-ils déjà sur place ?
Aller à pied me semblait être la solution mais vu que tous les espaces environnants disponibles étaient protégés par les panneaux « Réservés aux résidents. », je me sentais coincé. Ce clos filiforme, étroit, était plus une nasse qu’autre chose.
Ma tension nerveuse trouva un exutoire dans l’intervention du propriétaire qui estimait son droit de recevoir son mazout, ni plus, ni moins et qui me demandait de reculer simplement pour permettre au camion de quitter après la livraison son emplacement dans le cul de sac. Que les inconvénients du, à toute livraison, lui semblaient normaux et non négociables, et que l’opération encours allait se terminer bientôt.
La situation m’avait échappé. J’étais entré dans une colère bleue et j’avais le plus grand mal à apaiser la puissance de celle-ci. J’étais loin de mes habitudes, de mon comportement habituel, un élément de l’interaction avait du mettre le feu aux poudres. Je coupais court à l’échange que j’estimais un comble. Si lui, avait le droit de recevoir son mazout tranquillement, j’avais aussi le droit d’être en colère.
Finalement, le vint mille litres fut déplacé d’un mètre permettant au premier véhicule et au mien, le passage vers le parking de la salle. Avant que je ne sorte de la voiture, il m’y rejoignit et frappant sur la carreau de la voiture, voulut poursuivre sa conversation en exprimant son mécontentement à la colère qui l’assaillait alors qu’il gardait son calme. Après avoir refermé le carreau pour clôturer l’interaction, je pris mon sac pour entrer dans la salle et y prendre ma place.
La colère qui m’avait envahi était surprenante. Jamais je n’avais ressenti une telle sensation envahissant tout mon corps. J’y retrouvai l’expression que j’ai entendue quelque fois « Il me gonfle celui-là. » Avec les autres participants, j’exprimais cette sensation qui m’effrayait un peu et qui était si nouvelle, si incongrue.
Une énergie folle tournait en moi, me faisant bouillir au point d’exprimer dans la langue wallonne, une expression entendue dans mon enfance « C’est todi, lè piti qu’on s’prâche » « C’est toujours le petit qu’on écrase » Et en effet, je m’étais senti effacé, nié dans mes droits.
Cette énergie venait du passé, avait contourné une ancienne cuirasse, celle de me brider pour ne pas faire des vagues, de mordre sur ma chique pour ne pas faire d’esclandre, bref de minimiser mes droits et surtout de ne pas les exprimer face à l’adversité.
En clôture des exercices, une participante, arrivée dix minute après le début du cours, conclu le tour de paroles par l’impression qu’elle avait eu, en entrant d’avoir trouvé un espace rempli de sérénité, de paix. L’orage qui m’agitait n’était plus perceptible, après la tempête, le calme peut-être.
Cette explosion était déjà en route, me dit mon épouse plus tard. Tu t’es mis en colère hier quand tu as appris que ton petit-fils avait reçu, pendant son sommeil, après une fête avec les copains, de la crème à épiler dans les cheveux.
Agression de l’image de soi, d’un manque de respect de celui qui est là, alter égo et que l’on néglige, en niant ses droits fondamentaux au respect. Que d’énergie dépensée pour un tout petit retard, que d’émotion qui éclate et qui se perd car rien ne pouvait être changé à ce moment.
Au cours de la séance, lors d’un exercice, la notion de colère, et de sa valeur énergétique quand elle est maitrisée et canalisée dans l’action, me fit sourire.
J’avais été nul dans ma gestion. Et que d’énergie, n’y avait-il pas dans ce camion-citerne à mazout, pour autant qu’on l’utilise correctement. Une phrase entendue à la session précédente l’année dernière refit surface, avec l’image du mollet travaillé par une balle de tennis. Le mollet est le lieu d’enfermement de la colère.
Tiens cette crampe nocturne d’il y a quelques jours, très douloureuse une nuit, n’était-elle pas en train de se résoudre dans cette colère à propos de l’incident. Colère ancienne qui ne demandait qu’à sortir et qui s’expanse maintenant après des années d’enfermement.
Libération d’une cuirasse. Mlc tout simplement.
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