Bébé pleure, maman essaye de l’apaiser, de lui trouver la position idéale, la plus adéquate pour qu’il se sente mieux.
Elle le promène, le berce.
Curieux, cette manière de bercer ?
Est-ce ainsi que font à présent les jeunes mamans ?
Est-ce son style de mère. Étrange ce chaloupement, cette oscillation, non du haut du corps par les bras mais du corps entier. Mouvement indescriptible qui m’est étranger !
Bébé ne sait pas s’endormir. C’est sûr ?
Ils sont dans le monde étrange des sensations, la parole n’est pas en service, hors service même, le monde visuel aussi. Seule la sensation se transmet.
Apparemment ce n’est pas l’heure du repas.
Est-ce sa digestion, son intestin qui cale. Incertitudes, il y a un message, elle cherche. Mais pas d’accusé de réception.
Il y a réponse par le maternage. Mais est-il adéquat ? Qui sait où est la douleur, la gêne qui propulse les cris.
Bébé est à présent installé dans un hamac corporel droit.
Je ne me vois pas dans cette position tête en arrière, jambes fléchies selon le tissu.
Comment est-il porté à présent ? A ma mesure, de manière inadéquate. La forme que le bébé prend n’a pas l’air confortable. Mais il s’est endormi, sans doute en a-t-il vu d’autres.
Est-ce la chaleur du corps maternel qui l’apaise, le tranquillise. Peut-être mais qu’y faire ? Suivre son instinct, est la seule manière adaptée mais qu’en est-il de celui-ci dans d’une tête trop pleine, trop intellectuelle.
N’oublie-t-on pas le corps !
Elle le berce à nouveau selon sa technique qui me fait encore, ouvrir les yeux, m’étonne. Mon expérience a atteint ses limites.
Avec mes enfants, j’avais souvent la charge de l’apaisement dans un va-et-vient. Bébé de travers, porté allongé sur mon bras, était ma meilleure ressource. Tiens, elle la connaît aussi. C’est culturel sans doute.
Comment ai-je été porté à cet âge-là ? Age si lointain déjà. Interrogation, incertitude, je n’ai pas suivi la manière dont mes sœurs ont accompagnés par leurs gestes, leurs mouvements, leurs enfants. Mes filles venaient d’une autre tradition de portage, d’une autre source.
Je ne le saurai plus, mon corps seul le sait et s’exprime selon son code, à présent secret, imprimé en moi.
Le portage m’interpelle, fin du mois dernier, une statue de la vierge à l’enfant, haute de 2 m au moins est là en face de moi dans la salle à manger, silencieuse de l’hôtellerie de l’abbaye.
La forme que le sculpteur a mise dans la pierre m’indispose. L’enfant Jésus n’est pas porté mais transporté, comme un paquet sans l’attention qui fait du bien. Dans cette oeuvre, il y a rupture inadéquation, expression cachée du sculpteur, du commanditaire.
Depuis que j’ai vu la « Madonna Litta », j’ai un repère précis, pictural. Je m’imagine soutenu par une mère suffisamment bonne pour m’avoir porté de cette manière, qui me semble adéquate, juste.
J’en rêve mais je n’ai plus l’âge d’être porté de cette manière là. Seulement les deux pieds devant et là tout est résolu.
Qu’ai-je dit à mes filles quand elles ont portés leurs enfants ?
Ce temps est passé, je l’ignore mais au fond, je ne le savais pas encore, je ne pouvais le transmettre sinon instinctivement.
Le portage de la « Madonna Litta » et de l’attraction de l’image qu’elle donne viennent de mon expérience de la gymnastique douce, de mes séances de MLC qui elles sont récentes. De mes réflexions sur l’attachement comme le défini John Bowlby.