Qu’est ce qui m’avait poussé dans cet espace, dans cet espace que j’aborde parfois le matin au semi réveil et qui n’est pas de l’ordre du mental et de son activité, ni de l’ordre des souvenirs personnels ou des lectures faites ici et là. Avec le mot espace, je m’enferme dans un mot qui ne signifie pas ce que je veux dire car « espace » est dans les trois dimensions nécessaires pour définir un lieu, un point. Ce n’est pas la réalité du matin sinon de mon corps mais ce n’est pas mon corps qui est concerné.
Ce n’est pas du mental car là les idées se suivent, s’enchaînent, se télescopent et me ramènent à l’activité quotidienne. A ne pas faire, faire, dire, noter, rappeler.
Ce ne sont pas des pensées qui me sont connues, car elles n’appartiennent pas à mon champ de connaissance. C’est du neuf, cela ne fonctionne pas comme moi, mais comme autre chose.
Ce n’est pas visuel, ce sont des pensées apparemment filiformes qui s’expriment comme les grains d’un chapelet, sous mes yeux puis qui s’estompent sans que je puisse avec ma volonté les reprendre, les activer, les renvoyer, les analyser.
Cela se passe malgré moi, un peu comme dans un auditoire où la devant, quelqu’un s’exprime et moi attentif, j’essaye de suivre sa pensée. Les pensées étranges qui passent sont autonomes, elles défilent, puis disparaissent et j’essaye vainement d’y voir clair mais le processus qui se vit devant moi s’arrête si je quitte la position de l’observateur. Puis les images s’associent, se succèdent.
Suis-je en bord de mer, sur le quai d’un port, dans une tour de guet ? Impossible à déterminer car il n’y a pas d’espace. Le phénomène n’est pas dans l’espace mais il est dans l’image commune aux trois lieux. Le milieu change d’homogénéité, « je » est en bord de l’inconnu.
Il n’est pas dans le temps non plus car il n’y a pas d’avant et d’après, l’idée qui est passée puis disparue revient comme à rebours dans un temps inversé, non linéaire, allant, revenant hors du temps.
La chaleur m’enveloppe. Le fait d’avoir glissé hier sous le drap une couverture apportant une résistance thermique supplémentaire me donne une impression de chaleur bienfaisante.Cette douceur me sécurise et je laisse mon corps en profiter,n’est –il pas au bord de l’espace qui m’accueille tous les matins, je ne suis donc ni dans le temps, et pas encore dans l’espace.
Où suis-je ? Eh j’y suis bien. Comme je ne sais pas nager, je ne peux qu’imaginer ma main fermement posée sur la margelle, qui s’appuie sur la terre bien localisée et mon corps en-dehors de la terre. Un peu comme le cosmonaute relié à sa capsule par le conduit transportant son oxygène et l’électricité pour le chauffer.
Affabulation.
Enfermé dans les mots de nouveau pour essayer d’exprimer cette étrange perception intellectuelle qui s’imprime en moi comme le ferai un champ magnétique, un hologramme. Par devers moi, autre chose s’exprime et j’en suis témoin. Je retourne à ma place de guetteur pour voir d’où viennent ces idées.
Elles viennent, c’est tout, c’est clair. Serait-ce la cinquième dimension ? Celle qui vient après les trois de l’espace et celle du temps. On ne m’en a jamais parlé. Rationnellement et scientifiquement je suis out. Comme le cosmonaute, j’explore l’inconnu relié à ma navette par la chaleur. Non je n’explore pas, j’observe, je porte l’attention comme un spectateur en face de l’action. Je laisse faire sans intention, ni volonté.
C’est curieux cette impression d’être dans un no man’s land ouaté.
Il y a un pont entre mon espace et cet zone inconnue, c’est le cordon mystérieux. Mais c’est plus une vapeur sans forme qui assure le lien. Est là qu’on met l’indicible, le sans mot, le sans terre, le sans ?
Est-ce que cela a du sens ?
Etre terrestre, relié au monde actif mais ouvert comme un guetteur pour ce qui vient, de la terre, de l’extérieur, de l’intérieur pour que l’étrange messager ne passe pas sans que j’en sois témoin, au de-là de l’espace et du temps.