Mlc et Covid.

Pandémie oblige, tout est fermé, le cours de MLC ne sera pas donné, pour la deuxième fois ce mois-ci. Cette bulle de temps pour entretenir la relation à notre corps n’est pas possible. L’espace commun où nous guide la monitrice n’existe plus sinon que dans notre souvenir. Le rituel de mise en route, du délestage pour l’envol d’une heure hors de notre quotidien ne se fera pas aujourd’hui. Ce lien, cette tranche de vie ne peut exister.

Par les réseaux, une invitation à autre chose nous est parvenue. Notre monitrice nous fait une proposition tirée de ses ressources. Une séance audio. Je suis dans mon salon, la lumière du soleil éclaire joyeusement, le matériel que j’ai rassemblé. Un bâton de brosse, deux balles de tennis, deux boules de mousse ; les grosses, un essuie roulé en un boudin. Le fichier d’une session enregistrée par les bons soins de la monitrice m’est parvenu, deux fois, même. Est-ce un double obtenu par une mauvaise manœuvre ou une autre séance ?

Le début de lecture de la première me conforte, c’est le début, le  bon bout. Je n’ouvre pas l’autre. Le rythme de sa voix me met déjà dans son univers, dans la vibration sonore qui nous anime au cours de l’heure où nous essayons sous sa houlette, d’entrer dans la détente. Apparemment son choix d’exercice est un peu différent du menu habituel, il n’y aura pas de besoin de matériel complexe. L’exercice se passera dans la sobriété.

Le strict nécessaire est là, moi en tenue de gym comme si l’interdiction ne nous avait pas cloué à domicile. C’est une mise en condition importante. L’habit fait le moine. Je suis un élève du cours MLC. C’est ainsi que les autres me voient. Pourtant ma pensée n’est pas à 100 % derrière ce qu’elle nous demande. Trop d’idées se pressent dans ma tête.

« Comment organiser un tel cours à distance ? »

« Comment faire partie du groupe, percevoir les autres car l’exercice seul est fade, bien différent ? ».

L’espace convivial du local habituel, occupé par d’autres, aux alentours fait partie de la session, rend le cours vivant. Le cours ne se fait pas dans l’isolement.

« Comment créer du lien ? »

Via le mail, un échange de messages brefs nous a motivé à démarrer ensemble, a pousser sur la commande de l’enregistrement, a entrer dans la relation virtuelle avec le groupe, d’une manière plus concrète que par la simple pensée. Être en connexion avec le tiers  qu’est la voix de la monitrice nous met en condition, à prendre distance, avec nos soucis, le confinement pour rechercher dans nos tensions celles qui ont besoin de soins et de détentes.

La magie commence à jouer, je suis de plus en plus en phase avec l’exercice, par la voix qui me parvient, je suis comme au cours au fur et à mesure où se déroule l’exercice. Le leurre fait son office, je me détache des pensées, je scanne selon son mode de travail, mon corps, mes jambes, mes pieds. En fin d’exercice sur mes pieds, une sensation nouvelle vient d’apparaître, mes pieds sont ancrés au sol, j’ai peine à bouger mes jambes. Je suis enraciné. Curieux. Nouvelle sensation.

Les exercices se suivent dans cet atmosphère qui devient déjà ordinaire. Toujours accroché à sa voix qui sort à présent de mon smartphone, nous passons les exercices prévus, par la grâce du fichier audio. Je n’y suis pas toujours présent car ces idées, d’organisation idéale, me pourchassent. La fin de la session est là, rapidement, plus rapidement que je ne l’imaginais. Le temps de l’enfermement m’envahi à nouveau. 

Merci à la monitrice de cette proposition étonnamment nouvelle.

Cette expérience m’a relié, a créer dans mon quotidien une rupture, bien nécessaire  dans ce temps qui tout doucement devient neutre, sans les activités diverses qui rythment mon quotidien.

Ce n’est pas un exercice recherché pour casser le rythme du temps, c’est sur base des séances d’avant poursuivre une expérience, s’appuyer sur des fondations bâties sur les nombreuses séances d’avant la tuile qui nous est tombée sur la tête.

« Comment améliorer cette première étape ? ».

« Comment mettre un lien plus concret en route ? »

Une vidéo conférence serait sans doute le bon média. Être dans l’immédiateté, dans l’événement qui s’expanse dans cette tranche horaire qui me sort de mon quotidien.

A réfléchir, à améliorer, à revivre tant que le confinement dure.

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Mlc et pieds

La séance de MLC se termine, comme à l’habitude, la nouvelle titulaire du cours nous interroge. « Y-a-t-il quelques points à partager ? ». Dois-je parler, ne pas parler ? Ce n’est pas évident de laisser transparaître une émotion, un ressenti surtout qui n’est pas en rapport avec les exercices. Ceux-ci m’ont d’ailleurs comme je dis, repassé. Je me sens plus lourd que d’habitude, elle a travaillé des zones différentes de sa collègue. C’est là l’intérêt que j’ai de poursuivre avec elle, parcourir d’une autre manière, un autre chemin pour cueillir, je l’espère des fruits. Bon, je mets sur le tapis mes douleurs de l’avant-pied, de par et d’autres, un cal qui quand je marche me fait mal et deux nouveaux points douloureux apparus le mois dernier. Le massage du pied, je l’ai fait au début du cours sur les cotés seulement, loin des zones douloureuses.

Son approche du corps est différente, elle n’a pas pratiqué la gymnastique lors de sa carrière, elle vient du monde de l’entreprise, s’est formée, sa base, ses motivations sont autres. D’emblée, elle me dit, 80% des maux ne sont pas nécessairement causés par des microbes, très souvent par des manières d’être inadaptées, inadéquates, périmées.      Est-ce ses mots, mon interprétation ? Les deux sans doute. L’idée me vient traverse- Y aurait-il un sens à mes douleurs pédestres. Mes appuis ont-ils changés, ces derniers mois. La marche me devient douloureuses. Est-ce le pied ou moi ?

Miroirs de mon vécu, de mes difficultés à cheminer, d’affronter le terrain qui se présente devant mon quotidien. Ce serait sans doute l’occasion de relire la symbolique de l’organe, un peu à la manière de Michel Odoul, d’Olivier Soulier ou de Philippe Dransart,et son livre «  La maladie cherche à me guérir. »

Il est temps que je fasse une pause, que j’examine en quoi le chemin pourrait être douloureux ces moments-ci. Deux mois extraordinaires viennent de se passer avec des joies profondes, neuves, comme j’en ai pas eu ces dernières années. Des moments magiques m’ont traversés, miroir de découvertes inhabituelles. J’ai arpenté mon environnement, rencontrés des moments nouveaux, cadeau de la vie à mon égard.

Est-ce que je doute d’en recevoir autant ou encore et que je m’effondre sous l’angoisse de ne plus avoir, de me savoir plus âgé après un dernier anniversaire ;  pivot. Je suis sur Internet pour rechercher un texte ou l’autre qui pourrait baliser ces expériences et ces douleurs aux pieds.

En quittant la podologue, deux jours plus tard, qui m’avait fait monter sur un appareil, sorte de tabouret bas, transparent et éclairé par en-dessous, je me pose des questions. Qu’est ce qu’elle peut retirer de cette photo, de cette analyse ? Je m’attendais à avoir une vision claire des appuis de mes pieds, sorte de carte de géographie pour illustrer ma manière neuve de marcher, Neuve puisqu’avant ce n’était pas le cas. Quelque chose à changé dans mon pied. D’après elle, c’est ma voute plantaire qui s’est effondrée, des semelles pourraient résoudre rapidement le problème, en modifiant une surface d’appui dans la chaussure, en modifiant le frottement. Aucune allusion à une attitude, mes motivations, mes sensations, mes sentiments. Chez elle, c’est une question de mécanique. Et sur les cals, excroissance de le peau, impasse.

Moi qui croyait la chose simple, je tombe sur un site qui explique à la fois la mécanique, les os,  les nerfs, les tendons et les attitudes via la loupe du Yoga, selon des méthodes dont j’ignore tout. Cette technique n’est pas mon fort, mon chemin mais la matière abordée est intéressante, nouvelle pour moi. Merci mes pieds, trois quart de siècle sans ennui, sans soucis. J’ai eu de bons et loyaux services. Comment les conserver ?

En approchant, sur l’accueil du site, une phrase. « Bon pied, bon œil » Sagesse populaire ? Expression comme je les aime. Elle m’ouvre des portes, du sens propre ou du sens figuré pour la bonne et simple raison que mon œil ne va pas trop. Mes doubles foyers ne semblent plus adaptés, depuis quelques mois, il me faut soulever les lunettes pour la mise au point me permettant de reconnaître les lettres, et les mots.

L’explication fournie me traverse , c’est l’œil qui dirige le corps, pour que le regard soit horizontal. Mon allure selon cette idée change, ma colonne n’a plus la même courbure, la même forme. La manière dont je me redresse a changé, ma cambrure semble s’être modifiée. En tous cas, j’approuve ce parallélisme du regard et les douleurs aux pieds, il  me semble adéquat.

« Bon pied, bon œil. » J’ai quitté un équilibre, je dois en trouver un autre. Au niveau des épaules, un axe de bascule s’est ouvert, je me sens libéré dans le haut par un nouveau mouvement qui redresse une tête longtemps mal placée. Je dois réaligner en haut et gérer le bas qui souffre en corrigeant quelque part une attitude, une posture. Travail qui se termine par une colonne plus souple et plus vivante. pieds

Joie des découvertes, réalignement dans la douleur à gérer.

« Bon pied, bon œil. »

Tiens, ça bouge.

Tiens, de nouveau le miroir me fait face, ce n’est pas l’image qui m’interpelle, c’est le décors de la bordure, sur le bandeau vertical gauche, les dessins en forme de lettres grecques, les unes sur les autres. Elles me conduisent à une ancienne sensation d’ondulation qui monte des sacrées vers les dorsales, dans des moments de détente. Cette semaine, cette sensation est revenue démarrant bas, énergie subtile qui m’anime parfois me renvoyant à mon parcours de sensations, au cours des années.

L’exercice debout est terminé, l’on s’allonge pour ressentir couché, pour percevoir ses appuis, talon, bassin, tête. Un bref scanning des sensations comme souvent pour définir le terrain de base qui servira ultérieurement à la comparaison.

Mon attention s’attarde au coccyx, près des sacrées ou vice-versa car je ne perçois pas toujours exactement les différences géographiques. Ce n’est pas ma tasse de thé.

Étonnement, à nouveau, je suis dans le neuf, l’inédit, débarrassé de la gravité. Mon corps est autre, détendu, inconnu aussi. Concentré seulement sur les sensations qui se manifestent, je ressens une vibration, un tourbillon léger, subtil. Un mouvement circulaire se manifeste, sorte de vortex,  au-dessus des sacrées, dans le sens inverse du sens horlogique. Une fois déjà, bien plus haut dans le ventre, l’onde sonore de la clarinette, sur un air de Mozart, s’était matérialisée. Un serpent tournait dans mon bassin joyeusement, vivement au rythme des sons précis, nets, purs qui l’entrainait. Cette fois, c’est plus profond, plus léger, il n’y a pas d’accompagnement musical. Le mouvement tranquille, se love, se déplace, me dit, je suis là.

Les sessions de MLC se sont suivies dans la séquence d’automne, le mardi matin. L’animatrice nous prévient aujourd’hui, c’est un programme destiné aux anciens, à ceux qui ont déjà de la bouteille car dit-elle, la séance va vous conduire loin dans la détente des couches musculaires.

Tiens c’est curieux. Mon commentaire « Un travail dans la gravité » surprend ? Murmure des participants.  Cette solennité dans l’annonce n’est pas courante, c’est un moment grave particulier. Y aura-t-il un bouchon qui va sauter ? Je ressens qu’au fond, c’est une question de profondeur. Comme un caillou qui s’enfonce dans l’eau par sa pesanteur, sa gravité. Je suis plus dans cette image que dans celle du sens sérieux de grave. Comme quoi avec les mots, ce n’est pas évident, ils recouvrent bien des zones différentes selon l’expérience de chacun.

Étonnement, de toutes les séances, c’est bien la première fois que nous sommes trois hommes. Est-ce cela qui fait poids. Trois hommes, trois femmes pour cette séance qui va en profondeur, qui alterne les positions couchées et debouts. Le rythme est différent en tous les cas.

Après l’exercice du déroulement, étonnement nouveau, je me vois dans le miroir d’en face à moitié seulement, ma partie gauche n’est pas visible. Ma partie sombre est absente. Les idées s’associent. Ne suis-je pas en train de travailler mon côté gauche dans la réalité, dans mes sensations.

Depuis quinze jours, mon côté gauche fait des siennes, j’ai des tensions dans le bassin qui m’inquiètent. Un muscle inconnu s’est réveillé, élancement parfois, autour de l’articulation de la hanche gauche. J’ignorais sa présence, son inconfort. Est-ce un réveil, un coup de semonce, avant un lumbago à gauche. J’ai d’ailleurs pris un rendez-vous pour une séance de de travail sur les fascias.

Vaut mieux prévenir que guérir, surtout qu’à droite,  les lumbagos, c’est pour une semaine d’immobilisation que je suis parti et cela comme dans le passé , tous les trois quatre ans.

Est-ce une alternance qui se manifeste, les premières semonces pour un lumbago à gauche. Mes vertèbres aussi se manifestent, les disques signalent leur présence par une légère douleur. Un réalignement est en cours. Prudence. L’exercice se poursuit, j’ai ressenti mes trois points d’appui, la détente commence, le caillou de l’image du début s’est enfoncé dans ces couches corporelles souvent mobilisées pour l’action, pas pour l’observation et les sensations.

Le cours se poursuit, mon corps est entrainé dans des exercices inhabituels, mes muscles sont sollicités. Sous la férule de sa voix qui est comme une berceuse, elle nous entraîne au relâchement. La session se poursuit, se termine.

Comment sera l’après-midi, j’espère que je n’aurais pas au moment de la sieste les mêmes sensation qu’il y a quinze jours où j’avais du resté allongé tout l’après-midi tant j’étais groggy. Mais un jour n’est pas l’autre, il y a tant de variables d’humeur, de variables, de digestion, de sommeil.

La nuit qui suivi fut particulièrement longue, avec un réveil qui n’en finit pas. Je peine à reprendre conscience, à quitter le sommeil. C’est toujours l’effet de cette séance, j’en suis sûr. 

D’une manière générale, je me sens plus ouvert, plus liant, quelque chose a bougé dans mon comportement depuis ces tremblements, comme si une peur disparue me rendait son énergie de confinement.