Univers ou  » Bivers »

Le pointeur de l’écran a changé de forme, il est devenu une petite boule de plusieurs quartiers de couleurs qui tourbillonne, sans pouvoir s’arrêter. Le système bloque. Quelque chose ne tourne pas rond, il faut arrêter l’application mais je n’ai plus en main la commande par la souris. Il ne me reste plus qu’a tirer la prise de courant pour retomber dans mon univers de travail.

Ah, je rêve d’être  resté sur mon écritoire avec mon stylo et ma feuille de papier sur laquelle ma main peu courir librement sans contrainte.  Suis-je retro de penser comme cela !

Ne serait-ce pas le lot dans quelques temps, d’un état d’internet où les applications sont figées ou disparues. Au fond, quelques heures avant, je n’étais pas dans mon univers mais bien dans un « bivers » où je ne peux agir en liberté mais agir selon les instructions données par les logiciels en phase avec les versions n° 15 du système. Version qui m’est donnée pour des progrès dont je ne suis pas demandeur, dans je n’ai pas besoin mais qui me sont imposées, pour disent-ils amélioré les performances et la sécurité.

Me voilà dans une impasse. En temps qu’écrivain en herbe, j’ai besoin d’une partie très réduite de ce qui m’est offert, avec des commandes qui se situent à la même place dans un process constant. Ma créativité est dans le fond, les idées, les sensations, les observations passant au travers de mes textes.

Je suis a présent trop occupé avec les mises à jour, les modifications à simplement suivre les pas d’un progrès dont je n’ai pas besoin.

Ma débâcle a débuté quand l’application d’écriture a rendu l’âme et refusé d’ouvrir les fichiers textes. Après de multiples recherches, j’ai constaté que mon achat de bureautique écrite était limité dans le temps, à cinq ans et qu’en ce mois de Novembre, la date butoir m’était imposée. Couperet tranchant mon accès au service alors que pendant des années, j’avais utilisé une application basique mais non certifiée qui n’avait pu être chargée sur mon dernier pc car elle n’était pas issue et certifiée par le « magasin ».

Cette perturbation a engendré par ricochet d’autres problèmes en rapport avec les versions du système, là aussi non en phase avec la dernière version, sorties les mois précédents. Trois versions avaient été poussées sur le marché et comme la bonne case n’était pas cochée dans ma machine j’étais hors voie. Je craignais déjà ces multiples changements d’organisation dans mon application- textes.

C’est vrai que je ne suis pas sur une ile, que je suis relié, qu’il faut être de son temps moderne, au gout du jour.

Ce qui m’obsède c’est l’écriture, la mise en mots des événements du quotidien qui me fascine.

Ces mises à jour annuelles me pèsent, je les écarte et me voilà dans les problèmes car en plus de cette situation, l’achat du jour de l’application textes 2021 n’est pas utilisable car elle n’est valable qu’à partir de la version moins trois et je fonctionne toujours avec la moins quatre. Mon écran est figé, sur mon portable, je ne peux pas la charger. Bien sur que je profite de la modernité mais les changement de système qu’elle m’impose me pèse, me tue.

Des fichiers ont été retirés de dossier mis a la poubelle sans que j’y comprenne quelque chose. Serais-je victime d’un virus, d’un hacker, d’un nettoyeur de documents non certifiés.

Le déchargement d’un anti-virus, offert par un ami, m’offrant le lien à son compte ouvert, n’a rien trouvé.  Mais en agissant ainsi n’ai-je pas by-passé le magasin ? A-t-il pu rendre son service réellement ?

Pour sauver mon travail, sur trente ans, après avoir utilisé des disquettes qui se sont perdues suite à une infiltration d’eau dans celle-ci par une fuite de la toiture.

J ’étais passé alors  à un sauvetage  CDrom mais mon nouveau PC n’a plus de lecteur. J’ai alors porté le tout sur des clés USB. Mettre tout en ligne, sur le drive comme on dit mais j’ai un souvenir cuisant d’avoir du retiré ma généalogie d’un service payant à distance car mon hébergeur ancien avait changé sa politique de services payants sans doute pas rentable, et  en plus l’application de mise en page qui ne s’était pas révélée sans doute l’affaire du siècle, était abandonnée.

Membre d’un cercle d’histoire, je parcours des documents de plusieurs centaines d’années d’âge dans leur état papier originel sans difficulté sinon un peu le vocabulaire et la forme de l’écriture.

Dans vingt ans que seront devenus les fichiers que j’ai confié à un spécialiste du stockage. Pourrais-je le payer encore, s’il ne disparaît pas dans un séisme. Y aura-il encore un virus informatique ?

Depuis des semaines, j’imprime tout car je n’ai plus confiance dans cette course technologique faite pour elle même. L’univers que je fréquente autour de moi à une certaine constance, une cohérence, une profondeur, le « bivers » que j’ai sous les yeux est aléatoire, changeant d’une application à l’autre, d’un leader à un looser.

Le clavier sur lequel je travaille devient incertain, les touches ne sont pas justes, il y a une dérive vers la touche voisine et que dire des fonctions qui se mettent en route par inadvertance et des mots qui s’inscrivent par l’intelligence dite artificielle car une lettre mal tapée engendre une proposition de mots approximative ou erronée selon ma pensée.

Me voilà donc en train de sauver le maximum en imprimant car que reste-t-il à présent de tout ces montages de versions différentes avec même parfois le refus de la machine de corriger un de mes textes car je n’ai pas, soit disant, l’autorisation de le faire. Cette variété de machines avec des âges différents ne me rend pas service, elle m’enfonce.

Le « bivers » m’impose pour chaque contact, une ouverture de compte, un code d’entrée Et la liste s’allonge. Chaque concepteur m’impose sa pensée, des mouvement de main pour faire défiler l’information, le pressage de boutons dans un coin, dans l’autre pour une même idée.

L’action est ici dans le coin, dans un onglet dont il faut cocher le déroulement avec classement alphabétique et non de temps. Bref dans ma tête défile selon le contact son schéma de pensées.

Je rêve du monde ancien, ou je n’avais qu’un compte et où les informations diverses venaient sous forme papier dans mon unique boite aux lettres.

Le faire-part de décès

Mon deuxième beau-frère vient de décéder, sa famille s’organise pour les funérailles au lieu de sa résidence. Son départ était attendu, car il était très mal, on lui donnait les soins palliatifs à domicile.

Comme c’est l’habitude maintenant l’information ne circule plus par la poste, mais par sms, mail ou les réseaux sociaux et le lien pour obtenir le faire-part traditionnel n’est pas évident. En cherchant bien, j’y était finalement arrivé et l’annexe récupérée me permettait d’obtenir tous les détails.Mon intérêt était double, l’avoir dans mes fichiers généalogiques et en avoir une version  pour la transmettre à ma plus jeune qui n’avait pas été présente aux funérailles, quelques années, plus tôt de mon autre beau-frère. Dans une conversation précédente, vu l’état de sa santé, elle m’avait dit-«  Ne n’oubliez pas cette fois-ci. »

Son absence m’avait choqué. Elle n’avait pas eu le réflexe de chercher, auprès de son frère, auprès de ses parents l’information manquante ; l’heure, le lieu des funérailles. Elle en avait appris la date et pour de sombres raisons n’avait pas vu ou reçu en direct l’information complète.

Elle n’avait aucune raison pour ne pas venir, ni d’empêchement, pour selon la tradition, participer au deuil collectif en présence de tous.

Cette fois, j’étais proactif et veillait à lui faire parvenir l’information nécessaire.

Au cours des jours qui suivirent le décès, des éléments divers me passaient dans la tête, le détail du voyage, les fleurs a envoyer, et tout ce qui peut graviter autour de ce triste événement. Avant le jour des funérailles, avec ma plus jeune sœur nous avions passés deux heures en compagnie de notre sœur  pour la soutenir dans l’épreuve qu’elle avait affronté courageusement.

Des souvenirs ne manquèrent pas d’émerger, de s’associer et au cours de cette période, un matin, dans mon attention flottante, un fait ancien s’associa à l’absence de ma plus jeune, son absence au décès de son papy, le seul qu’elle avait, qu’elle adorait.

Une situation ancienne, inattendue et un fait évident. 

Nous ne l’avions pas prise, vu son jeune âge pour le jour des funérailles de mon beau-père, mais placée chez une cousine qui s’était chargée de la garder. Pour la protéger de toutes les émotions qui ne pouvaient que lui faire du mal. A cette époque, du moins dans mon entourage, c’était un fait qui me semblait logique, ne pas mêler les enfants au deuil familial et à l’épreuve de la cérémonie, et du cimetière, pour qu’ils ne pleurent pas et nous fasse encore plus mal par leur détresse.

Dans ma mémoire, je ne pouvais préciser si les aînés avaient aussi été placés en garderie. 

A présent cette attitude me semblait inadéquate, c’était un acte a éviter, un acte manqué.

Elle ne participait pas, ainsi à l’émotion collective.

Est-ce pour cela qu’ adolescente, elle avait voulu suivre un stage quelque part du coté de Liège, pour chercher, retrouver un lien qui l’habitait toujours, un manque indéfinissable, une souffrance occluse dans son inconscient et se libérer d’un deuil qu’elle n’avait pu faire.

A l’écart du groupe familial, au cimetière, je lui rapportais cette connexion qui m’avait habitée depuis deux jours, son absence au deuil du beau-frère, pour la cérémonie manquée.

Il y a bien longtemps, elle était dans l’attente, elle souhaitait participer à la tristesse familiale, mettre des mots sur son ressenti et vivre avec nous l’événement. 

Une émotion forte l’envahi, explosa dans son visage rempli de larmes et d’un  mouvement comme un bouton de mousseux qui saute. « Je n’ai pas dit au revoir a Papy »

Plus de 40 ans de questionnement la séparait de l’événement. Enfin une réponse et un vécu enkysté se mettaient à jour. Je la pris dans mes bras pour la serrer pour la consoler d’un état qui la parasitait. Un kyste de tristesse à propos de son papy se vidait, enfin.

Oui, c’était cela le secret qui lui pesait et que par son absence, inconsciemment, elle avait signifié sans le savoir, récemment.

« Va me chercher un mouchoir » dit-elle.

La blessure remplie d’amertume, s’était vidée, elle rentra dans la cercle familial pour vivre le départ de son oncle Théophile, l’ami de Dieu qui venait en nous quittant de la guérir d’une erreur d’éducation qui parasitait sa vie.

Diner frugal.

Après une escapade culturelle en ville, largement après l’heure habituelle du diner, je m’étais retrouvé  avec deux petit-fils autour de la table. Mon humeur n’était guère joyeuse, mon appétit contrarié car mon épouse avait acheté chez le boulanger du coin deux pains placé par moi dans la liste des aliments à éviter.

Leur gout et leur structure étaient exécrables, en-dessous du minimum de qualité admis par mon palais.  Le Giabata n’avait aucune fermeté, c’était a peine une sorte de brioche, sans goût qui disparaissait à la première bouchée. La baguette était de la même veine, immatérielle, croquante sans doute, évanescente et ma bouche cherchait la matière support de la garniture. Rien qu’à les voir, gonflé comme des baudruches, j’avais déjà perdu la moitié de mon appétit. Heureusement que le plat de légumes et la charcuterie se trouvaient sur la table sinon j’en serais sorti affamé.

Mon plus jeune petit fils s’était immédiatement découpé à la main un morceau de Giabata et le mâchonnait, par petits morceaux qu’il découpait à la main. Il ne voulait même pas y ajouter du beurre et une garniture pour agrémenter ce produit indigne d’un boulanger sérieux  et d’une bonne table. Ce dédain pour les légumes, le beurre, la charcuterie s’était ajouté à ma réticence face au pain et une brusque colère m’avait envahi. La dernière fois qu’il était venu, il avait refusé le diner et nous avait regardé manger comme si nous allions être victime d’un empoisonnement.

Il opposait un « Non » à toute mes tentatives de contourner ce refus, de faire bonne chère, de partager le pain et la convivialité du repas.

La qualité du pain, ajoutée à son attitude de consommer son pain sec m’avait profondément contrarié et j’étais prêt à lui faire quitter vertement la table car son attitude m’était insupportable.

Refuser de participer au repas était pour moi inconcevable. Alors que l’assurance d’être repus était devant lui, il refusait de participer. Au fond, il mordait la main de celui qui le nourrissait. C’était pour moi, un tabou franchi, une faute primordiale, un acte impossible a accepter. C’était son droit de refuser, de faire à sa manière.

Je ressentais en lui comme une attitude agressive pour mettre à mal sans doute ce qu’il avait perçu en moi. J’aurais pu ignorer ce fait, passer au-dessus de l’attitude et me contenter de terminer mon repas car au fond c’est lui qui se privait, qui ne goutait pas à la convivialité, à la pause après l’exercice.

J’en était resté muet et je transpirai certainement la colère.

Il me demanda de mes nouvelles, cherchait sans doute a comprendre mon attitude, à lui donner un sens.

J’étais incapable d’en expliquer les tenants et les aboutissants, envahi par la colère, je bouillonnais.

Un point sensible avait du être touché en moi, venant de l’époque où j’avais son âge sans doute. Il était miroir, celui de l’adolescent que j’avais été et qui devait être puni par son père. Du fond de mon histoire, quelques temps après j’avais compris, me rappelant que la punition ultime à la maison familiale était d’aller dans sa chambre avec un quignon de pain sec, survie du malfaiteur et de l’ingrat.

Lui s’arrogeait le droit de mettre sous mon nez, cette manière de faire qui avait du me mettre en colère en colère sans doute pour une punition attribuée aux deux de la fratrie, faute d’avoir déterminé le coupable.

Le peu de distance que j’avais pris face à cette manière de faire ne pouvait avoir d’autre sens.

Me sachant fragile intuitivement, il agitait sous mon nez le scénario enfoui pour en révéler la nocivité et sans doute aussi la longévité inutile. Je n’étais pas assez zen face à une assiette que le propriétaire repoussait et surtout s’il avait l’âge ou dans le passé, j’avais souffert de la menace et de l’ukase du pain sec et de l’eau.