Messagère d’hôpital.

D’un pas tranquille, elle s’était rapproché du lit pour se présenter. Elle appartenait au service de cardiologie et proposait en tant que psychologue son aide pour traverser l’épreuve de l’infarctus dans lequel je venais d’entrer. Je pouvais la solliciter en cas de besoin.

Sans façon elle accepta mon invitation à s’asseoir sur le lit, de continuer la conversation. Après le tour des détails, des symptômes et de l’hospitalisation, la conversation dévia sur ma plus jeune fille qui avait pendant deux ans géré les données du personnel de l’ASBL où elle travaillait. Puis simplement elle ramena la conversation sur mon incident de santé et sur les circonstances marquantes qui auraient pu au cours de ces derniers mois faire part de la nature du problème. A sa question sur des circonstances passées qui auraient pu causé un tel accroc, sans pudeur, en croyant parler d’une manière neutre je lui partageais le départ de mon aînée.

Un sentiment brusque de tristesse m’envahit comme jamais auparavant. L’émotion était dans toute ma poitrine et pas seulement dans les larmes qui parfois coulaient de mes yeux à son sujet, notamment comme au début du mois le jour de son anniversaire. Cette fois l’émotion s’exprimait dans l’ensemble de mon torse, globalement quelque chose s’était ouvert.

Entre ce petit ruisseau de larmes matinales et l’émotion immédiate, il y avait la même différence qu’ entre un ru et un fleuve.

Un ensemble d’anciennes tensions avaient du lâcher dans la contraction des épaules. Le processus ouvert par la MLC, avait fait son chemin.

J’étais presque arrivé au sanglot large et profond comme je l’avais ressenti l’une ou l’autre fois au cours de ma vie. Ce type d’émotion me ramenait largement dans le passé où mes cuirasses avaient été construites.

Un fois le trop plein s’était ouvert, lors d’une session de guérison, le temps d’un flux, et la fissure immédiatement refermée sous mon contrôle mental.

Par mon incident de santé. j’étais de retour sur ce même chantier.

L’ouverture du trop plein de mon barrage émotionnel devait être nettoyée.

J’avais le coeur gros, le coeur blessé, je ne m’étais pas autorisé à ouvrir les vannes à fond. Déjà dans ma jeunesse à la mort de mon père, j’avais retenu les émotions, les avais enfermées. Pas une seule larme n’avait jailli, n’avait passé le seuil et laisser passer la charge émotionnelle de son départ

J’avais copié de ma grand-mère, via mon père, cette manière d’être.

Elle nous disait de ne pas pouvoir verser des larmes sur le départ de son fils, un peu comme moi qui ne pouvais verser de larmes suffisamment que pour me libérer des émotions. Les larmes versées, en préparant l’hommage écrit à ma fille n’avaient pas été suffisantes.

La rencontre avec la psychologue autour de mon problème de coeur me recentrait sur le sujet profond de la libération des émotions anciennes et récentes dans lesquelles je baignais. Cet infarctus n’était que la composante somatique des émotions accumulées depuis mon passé et celui de mes lignées. Du chemin avait été parcouru me semblait-il car la largeur du déversoir venait de prendre la dimension du torse au lieu de la boule qui montait dans le passé vers la gorge et que j’avais refoulée.

Mon coeur avait l’air de s’être ouvert aux émotions. D’abord par la lente déconstruction des tensions des épaules et du thorax de la MLC et par la violence du choc physique de l’infarctus,.

C’était cher payé d’avoir comprimer ces émotions.

A la différence de mon père, mort dans le début de la cinquantaine, j’avais prolongé de vingt ans la longueur de ma vie par rapport à la sienne.