Portes

L’image de la porte flotte devant mes yeux, c’est la porte de la salle de gym douce, près d’une participante cherchant un espace où elle se sent mieux. La séance s’est terminée, détendue, elle nous partage son bien -être et l’image de cette porte qui s’impose à elle. Les événements terroristes de la semaine se manifestent derrière celle-ci. Elle s’attend à la voir s’ouvrir, à ce qu’un terroriste se manifeste, pénètre dans la pièce.

Porte lieu de passage. Les événements de Paris sont dans les mémoires, derrière ce mince écran de bois.

Association de deux états, la relaxation, la peur.

Est-ce la porte de l’inconnu qui se manifeste dans cette image, dans ce témoignage entendu hier. La porte devient neutre, c’est son symbole qui me travaille. En cette fin novembre, pourquoi n’est ce pas l’image de Saint-Nicolas qui s’impose, porteurs de cadeaux de bonbons ? Mystère ? C’est la peur qui a parlé la première, la surprise, la joie ou l’attente aurait pu aussi pousser le bout du nez.

Mon imagination s’envole, la porte devient rideau, paupière. Ce matin, je viens d’ouvrir la porte de ma vision, ma journée débute. Je vis encore au chaud, étendu, rassemblant mes esprits pour me lever, entrer dans l’activité qui m’est ouverte aujourd’hui.

C’est aussi la porte que je franchis, de la dissolution de la nuit, de l’obscurité, j’ouvre une page de ma vie.

Tous les paramètres sont au vert, je vais vivre une journée, une de plus. Routine. Pourquoi pas d’abord la joie de l’entamer avec tant de ses possibles ? C’est un passage, un seuil à franchir c’est la porte de mon jour, l’innombrable, qui m’a fait atteindre les cheveux blancs.

C’est la porte que j’essaye d’atteindre pour me mettre enfin à l’abri de la pluie et du vent, pour retrouver l’espace positif de mon intérieur familial, de l’endroit qui me protège, derrière cette planche de bois, mon havre de repos.

Toutes ces portes ne se sont pas ouvertes vers des espaces tranquilles. Ma mémoire me renvoie à celle de la classe où je pénètre le cœur battant pour rencontrer l’examinateur dans cette période d’examen. Juste après ces va-et-vient et ces respirations pour contrôler mon émoi.

Au quotidien depuis des lustres, l’espace au-delà du seuil a été détendu, tendu. Chaque fois différent.

C’est la porte du bureau de recrutement qui est devant mon nez et que j’hésite à pousser, de peur d’être rejeté comme sujet qui ne convient pas car faible, parfois, dans un domaine inattendu.

C’est la porte de l’église qui grince encore et qui s’ouvre sur un espace étonnamment calme, où tous les bruits sont étouffés, précipice de silence ou j’hésite à tomber, à me retrouver dans ce qui fait mes angoisses, mes peines.

Passage d’un état à un autre d’un mouvement au calme, du bruit au silence, du chaud au frais. Inflexion dans ma vie qui repart dans un autre registre, accent circonflexe que je parcours le cœur léger ou lourd.

Rideau qui tombe sur la pièce de théâtre et qui me ramène dans mon quotidien, mes soucis, mes tracas.

Passage du connu à l’inconnu du réel à l’imaginaire, de ma pensée au quotidien et sa réalité.

Expérience sans cesse renouvelée réveillant parfois d’anciennes peurs comme celle vécue quand avec deux heures de retard nous arrivions enfants à la porte de la maison pour la trouver fermer. Leçon du père pour nous apprendre à tenir compte des réalités familiales, à les respecter. Leçon qui durait le temps de notre compréhension à la règle familiale du retour pour l’heure du dîner.

Joie, angoisse, peur, découverte, ébahissement, sidération.

Joie d’ouvrir la porte le matin du 6 décembre pour découvrir, à l’éclairage de la pièce, les cadeaux qui nous étaient destinés. Stupeur de découvrir sur le seuil de la porte le messager de la mauvaise nouvelle.

Quelle sera l’état de vie, la perception qui m’arrive demain, derrière le seuil que je vais franchir.

Immanquablement car tout est mouvement tout est impermanent . Quoi que je fasse, quoi que je pense, cela sera autrement que je l’ai imaginé. Période faste où chaque ouverture est découverte, période sombre où règne comme on dit la série noire. Jamais je n’aurais le repos où le temps que je souhaite. Le mystère sera toujours derrière la porte, le rideau, la tenture, le coin de rue.