Mon univers habituel, sécurisé, organisé, venait de basculer dans l’inconnu, dans l’incertitude. Je n’arrivais plus à me situer. La position couchée m’imposait un autre point de vue, je ne pouvais faire face. J’étais sur le tapis.
Le diagnostic de l’urgentiste, me trottait dans la tête, cherchait vainement un point d’accrochage. Je n’arrivais plus à évaluer la situation. Quelles étaient les conséquences qui allaient me tomber dessus après une artère coronaire bouchée? Qu’allait devenir mon quotidien ? Qu’est-ce qui m’attendait ?
Les soins intensifs m’assuraient le monitoring, gardaient mes paramètres immédiats normaux. Avec les Stents complémentaires, mon cœur continuait sa course, assurait ma vigilance et mon animation de malade couché. Mais que me réservait l’avenir ?
Qu’est-ce que j’avais perdu à cause de cette artère bouchée ?
J’étais figé, dans l’impossibilité d’analyser la situation, de poser des questions, d’essayer de tracer le quotidien qui allait être le mien.
Survivre était mon choix, mon projet, je suivrais les étapes du parcours que m’assurait l’hôpital. La crise cardiaque n’avait pas été fatale, elle semblait permettre encore une certaine autonomie que je devrais évaluer au fur et à mesure.
Aucune explication franche ne m’était donnée. J’étais K.O.
Deux artères coronaires restaient valides. Allaient-elles suffirent à me donner l’autonomie d’une vie encore décente. Ils ne me donnaient pas d’explication, de projection. Je ne pouvais en demander faute de me situer.
Les ressources à disposition m’avaient été appliquées, j’avais bénéficié de soins, à moi d’en tirer les bénéfices de repartir avec ce qui restait de potentiel.Dans l’agitation des va-et-vient,des bips de monitoring, je survivais.
Mon état semblait quand même assurer une certain tonus, une certaine autonomie. Après des nuits sans sommeil, je me retrouvais à l’étage cardiologique pour l’étape ultime avant la retour qui m’était autorisé en fin de semaine.
Apparemment aucune complication n’était montée au créneau. J’assumais et gardais une vitalité suffisante. À part les angoisses qui m’assaillaient surtout la nuit, je semblais tiré d’affaire. Des perspectives nouvelles m’attendaient.
J’imaginais qu’au cours des jours, je pourrais poser des balises, définir des zones de confort où je pourrais vaquer sous contrainte, modérément.
La hiérarchie des soins ne me permettait pas de dialoguer avec les infirmières qui ne faisaient qu’appliquer les consignes. Le passage des cardiologues ne m’assurait que d’une seule chose; tout se déroulait sans incident, sans complication.
J’étais dans un état qu’il fallait consolider mais je n’en connaissais pas les coordonnées. Le rapport qui m’était remis parlait techniques.Je n’en saisissais qu’une chose, mon système cardiaque n’avait plus toute sa puissance, j’en avais perdu au moins la moitié définitivement. Je n’étais plus équipé d’un moteur à quatre cylindres mais d’un deux temps poussifs, autrement dit à la place de mon moteur VW, j’avais un moteur de Trabant.
C’était payé cher mon indécision, mon incapacité à mesurer l’urgence des symptômes qui m’avaient assailli une semaine plus tôt.