Nous ne sommes que trois ce matin, pour la cession de MLC du mardi. Le temps est frais, l’hiver approche, l’atmosphère extérieure sombre.
Nous démarrons les exercices par l’assouplissement des pieds à l’aide des balles de tennis. Rien de nouveau, c’est la routine. Puis nous poursuivons les exercices selon le programme que la praticienne a établi. Aujourd’hui cela m’a l’air un peu différent bientôt, nous allons travailler les mollets. Assis sur le sol, la jambe tendue, la balle de tennis est sous les deux muscles qui constituent le mollet. Un troisième bien plus profond existe nous dit-elle mais cela sera pour une autre fois, les deux premiers me suffisent, l’autre est enfoui trop profondément. Je masse l’espace entre les deux muscles en bougeant la balle.
Comme à l’habitude, j’engage l’exercice par mon côté droit. Est-ce que c’est mon choix, le sien, je ne sais plus. En principe, c’est toujours le côté le plus aisé qui mène la danse, histoire d’aborder l’exercice le plus doucement possible.
Dans la position d’assise, j’ai tendance à ne pas pouvoir fermer le bassin plus en avant, je m’appuie fortement sur les mains situées un peu en arrière. Ma souplesse n’est pas idéale, je suis toujours aussi raide. J’ai un chantier d’assouplissement devant moi et le parcourir n’est pas évident. Massage des deux muscles jumeaux, avec la balle qui va et vient sous une légère pression, massage lent, profond. Retour à la position couchée, pour percevoir la différence d’appui, va et vient de la tête,à gauche et à droite pour observer la différence de mobilité.
Rien de bien particulier ne se manifeste, c’est la routine quoi que. Un vague malaise m’a envahit dès que j’ai repris l’exercice. Faire bénéficier le mollet gauche de la détente pour ne pas créer un déséquilibre et ne travailler que la moitié du corps. C’est l’usage, la procédure, la technique. Mon mental commence à s’agiter, je ne suis pas simplement dans l’exercice, dans la perception du mouvement, des tensions et des douleurs diverses qui pourraient apparaître. Un sentiment m’envahit venant par le bas comme l’eau qui monte au fur et à mesure dans un seau. Je me remplis d’une frustration nette, nouvelle et devient plus bougon. Je me laisse aller, perçois un sentiment léger de mécontentement, un brin d’agressivité me traverse. Sur l’utilité d’être là, de manquer la session car il n’y a pas d’ambiance. Mais où sont les autres ? Le groupe et son apport me manquent, nous ne sommes pas assez nombreux. Alors que tout se fait en silence ? Paradoxe. La voix rythmée et lente de la praticienne nous guide dans les méandres de notre corps, nous ouvre à des perceptions nouvelles. La colère, l’insatisfaction sont là, leur présence n’est pas envahissante. La dose n’est pas insupportable elle se manifeste simplement.
L’exercice terminé, le retour à l’allongement sur le dos pour apprécier les différences. Rien de remarquable au niveau des tensions, me semble-t-il. Un peu plus tard la session se termine, le temps est au partage. Je n’ai pas de commentaire à exprimer.
La praticienne évoque la colère qui peut être contenue dans les mollets. Étonnement. De prime abord, j’aurais eu un accueil un peu sceptique à l’information mais étonnamment je me relie à ma sensation de l’exercice. J’ai eu ce type de sentiments, légèrement, nettement. A-t-elle ressenti ma frustration, mon ressentiment diffus. Où est-elle simplement dans la théorie ? J’en ai reçu la démonstration, mon mollet est un réservoir d’émotions, le gauche ou le droit. Incertitude mais je l’ai ressenti. Il s’est vidé d’une sensation, d’une émotion.
Une émission de tv me revient en mémoire. Pour développer l’intelligence artificielle avec un super scanner, les scientifiques analysent les mises en évidence des zones du cerveau, suite à des phrases stéréotypées, pour plus tard faire la lecture des pensées. Je souris intérieurement. Les scientifiques pensent que tout est dans la tête. Que diront-ils s’ils découvrent qu’il faut revoir leur copie et aussi s’occuper des mollets ? S’ils découvrent que le corps à une mémoire alors, leurs recherches ne sont pas encore terminées.