A ma plus grande surprise, l’anamnèse m’entraina dans une nuit de sommeil à proximité du service des urgences en périphérie de l’activité que l’on s’attendrait à trouver dans un tel service. Ambiance particulière, loin du bruit, des va et vient dans une pièce n’offrant aucune vue sur l’extérieur. Comme si je devais me tourner essentiellement sur ma vie intérieure, sur les pensées qui chevauchaient dans ma tête, les unes derrière les autres. Ma plus jeune fille y prend beaucoup de place, son vécu, ses activités récentes et le nouvel appartement qu’elle allait occuper. Temps disait-t-elle pour réfléchir au sujet de son couple. Était-ce le syndrome du nid vide, du temps où elle n’est plus préoccupée par l’éducation de ses deux grands entrant dans la vie de travail, la vie d’adulte ?
Le souvenir de mon aînée, infirmière aux urgences s’imposa aussi, ma mémoire se souvenait toujours de cette opération de la vésicule et de mon étonnement à voir une nouvelle figure apparaître dans l’espace de nuit. « Mais je ne suis pas si nouvelle que cela » me disait-elle. La nuit dernière, je suis passé plusieurs fois dans la chambre, j’ai veillé sur vous. Puis quelques minutes plus tard suite au mouvement de ses soins, son prénom était apparu sur son badge, le même que celui de mon aînée. (1)
Et par association dans cet espace de soins, dans cet espace médical,
« Qui veillait sur moi, aujourd’hui ? Quel était son prénom ?»
Après quelques mouvements du à la pose des électrodes de l’électrocardiogramme son prénom apparu sur le badge « Sandrine » !
Étonnement, un ange à nouveau s’activait autour de moi mais pas n’importe lequel.
Mon histoire familiale revenait en force. Ce prénom était celui que bien des années plus tôt, la veille de l’accouchement avec la marraine, nous avions choisi pour notre fille cadette qui allait naitre les jours suivants. Puis elle avait apporté les dragées à l’hôpital, dans des petits sachets fermés par une bandelette au nom de Sandrine. Un événement inattendu s’était passé. Mon épouse avait donné comme nom à l’enfant, celui de « Céline. » La marraine était repartie avec comme nouvelle tâche, le changement de prénom. Une première mouture des faire parts avait ensuite du être recommencée car le prénom inscrit était celui de Cécile. Accouchement difficile du prénom, turbulence, inconstance ?
Est-ce pour cette raison cachée qu’il y a quelques années, ma fille s’était mise dans la tête d’aller nager avec les dauphins, au bout du monde, comme pour rechercher sa véritable nature, un prénom enfoui, entendu dans le liquide amniotique. Consonance différente dont elle cherche le sens, le lien. Retour aux racines mystérieuses qui l’ont accompagnées.
Que penser alors de sa nature de « job hopper ». Est-elle toujours à sa recherche, celle du prénom basique. Lien curieux, expliquant l’inexplicable ?
Moment de grâce, je le raconte à Sandrine, l’infirmière qui me soigne, cette histoire improbable et amusante dont elle entend l’originalité. Moment particulier, retour au passé par un reflet du présent, voyage dans le temps.
Une fois de plus, je me sens sensible à l’effet miroir de l’environnement qui me donne un autre sens comme nourriture. Synchronicité ? Qui sait ? Autre approche du réel. Méditation propice à clarifier l’action par le reflet visible qui s’étale sous mes yeux.
Et si tout l’extérieur n’était que le reflet d’attitude intérieure à clarifier, à décoder pour ne pas s’y accrocher, pour laisser les idées se succéder. Sens de la synchronicité, du seuil. Une personne perçoit la relation et comme l’explique Jung, un lien acausal, porteur de sens.
Moment de légèreté, moment de surprise propre pour apaiser, quelque part l’inquiétude au sujet de ma santé. Médication ? Moment qui donne la première place dans mon imaginaire à ma plus jeune, comme pour compenser, Oh honte qui me poursuit dans ma mémoire, l’avoir gommée dans la liste des personnes à remercier, un jour de fête. Ne pas lui avoir fait la place, sa place entière, place pour laquelle elle a besoin de confirmations. Comme si un jour, elle s’en était crue privée !
Tout avait-il débuté dans ce glissement de son prénom, le premier pensé. Chercher sa place comme pourrait le représenter dans le réel, la piscine vide qui attend sa finition dans leur jardin. Une fois encore il est question d’eau, de l’eau primordiale dans laquelle l’on a baigné, où j’ai moi, son père baigné, où mon père a baigné ; lignée des pères.
(1) Messagère d’hôpital
