Depuis quelques jours, les températures sont négatives et l’envie de faire un feu de bois est plus que présente. C’est une habitude qui s’installe. Chaque jour, en soirée quelques bûches brulent dans le feu de bois, apportant un confort supplémentaire.
Plusieurs fois de suite, dès que le feu s’éteint vers 23 heures, j’ai ressenti combien le confort qu’il apporte me touche. La température affichée au thermostat est normale et habituelle. C’est là que je mesure la sensation complémentaire que sa chaleur rayonnante apporte.
Pour relancer chaque jour le feu, du petit bois est nécessaire pour amorcer quelques bouts de branches plus grosse et embraser les bûches et avoir le plaisir de la flambée. Plaisir de l’action de surveillance, des soins nécessaire pour mener ce petit projet quotidien.
Régulièrement, je dois intervenir pour récupérer les bases du feu, retirer les gros bois qui s’entassent les uns sur les autres comme dans un fagot ou reprendre certains bouts à la pince pour créer les appels d’air nécessaires à la flamme de combustion ferme et constante. Cela simplement parce que mon épouse s’impatiente et lance elle-même la base du feu sans en appliquer les principes, papier chiffonné, espace libre entre les bois fins, en pyramide, pour créer un effet cheminée.
L’incident d’hier, à propos d’un lancement raté, m’a secoué. Qu’est ce qui fait mon attention différente à ce feu, ma gestion ?
En m’éveillant ce matin, sous la chaleur de la couette, ce questionnement vient de trouver une réponse possible. Dans mon enfance, mon adolescence, le style de vie de ma famille bien des années plus tôt, après la guerre à la campagne, qui s’oppose à celui de ma femme en ville dans le confort d’un chauffage dit central au charbon et la soirée autour du feu ouvert où l’on brule le tout-venant, déchets de support en bois, de cartons, de papier, de l’activité familiale.
Monde opposé, monde disparu de mon côté et abandonné pour le chauffage au gaz avec réglage automatique. D’acteur jadis, j’étais passé en spectateur et cette série de feu relancé chaque jour m’a ramené aux réflexes acquis lors des vacances de Noël où l’attention régulière était nécessaire pour conduire les feux et éviter aux continus l’étouffement ou l’emballement de ceux-ci, rendant le pot de fonte rouge foncé. Chaleur rayonnante, plus que chaleur par déplacement d’air.
Combien de corvées de petits bois dans la cave pour éclater les bouts de planches en brin long et mince, propice à un bon embrassement, combien de petites branches sciées l’été et l’automne en longueur adaptée pour constituer des réserves de bois moyen propre à entretenir la flamme et la rendre capable d’entamer ce charbon noir brillant dont le nom remonte du passé dans ma mémoire ; l’anthracite 30/50. Combien de feux allumés dans la cuisine par une base de bois sec, suffisamment serré que pour retenir les morceaux de charbon. Art de la bonne base, coup d’œil, savoir acquis par les tentatives ratées et mémorisées pour un protocole rapide et efficace. Maintenir cette attention de manière régulière à l’allure du feu pour le garder toute la journée et l’avoir pour le confort de la soirée.
Éviter l’étouffement du poêle à charbon, par des doses régulières ou du poêle à bois par la taille de bûches réglant aussi l’allure.
Attention dans la durée, à la juste quantité. Art du dernier chargement pour retrouver le matin le fond de braise susceptible d’un redémarrage rapide. Descente les matins l’hiver, bien couvert d’un châle pour affronter la température fraiche, loin du confort du duvet. Mouvement de grille pour évacuer la cendre, usage du tisonnier pour casser le mâchefer constitué la nuit et contrôle de la base pour faire revivre la braise, dans le ronronnement qui annonce le bon élan et la chaleur future qui bientôt va régner.
Bouilloire témoin de l’activité qui chuinte lentement, vaillamment.
Cheminement quotidien actuel qui s’est perdu dans la course à l’équipement et qui se repose sur des appareils électroniques confortables sans doute mais qui d’une certaine manière ne nous garde pas acteur vigilent de notre confort.