Les papillons en papier.

PapillonL’image du papillon était revenue sous mes yeux le lendemain, par le biais d’une photo, placée sur la messagerie comme une mise en évidence d’une sensation qui devait trouver son expression, son sens, enfin …un sens.

Sa première apparition s’était faite dans les couloirs d’accueil au crématorium, ou distribuée, par trois enfants, aux participants, une pince à linge minuscule, servait à fixer sur un revers du vêtement, un papillon de papier. L’idée était originale, censée comme je l’appris après remplacer la photo traditionnelle reçue que l’on plaçait souvent dans les archives, dès son retour..

Était-ce fortuit ? Selon mon expérience, ma sensation, le papillon représentait une expression, d’une idée qui faisait son chemin, sortant du monde familial dont la défunte était issue.

Elle aimait les papillons, avait écrit un conte avec ceux-ci pour une animation d’institutrice froebelle. Là s’enracinait cette idée qui dans son symbole représente pour moi l’âme. Interrogations fondamentales de base sur l’après vie terrestre. Ne se reliait-t-elle pas à tous ceux dont la sensibilité exaspérée essayait de trouver une réponse qui pas plus qu’hier, aujourd’hui aller trouver une réponse ici bas.

La chenille dont le papillon est issu représente la transformation intérieure, la quête de quelque chose qui nous traverse au cours du cheminement qu’est notre existence. Par ce choix, elle n’appartenait pas au monde judéo-chrétien mais elle s’en éloignait. Le choix qui avait été fait de la cérémonie civile en était la manifestation. Elle se reliait plus à une spiritualité, sans Dieu, comme la tendance se manifeste fortement dans notre société. Lors de plusieurs témoignages à propos de sa vie, des photos projetées rien n’avait exprimé la transcendance, l’espérance dans une vie autre, mystérieuse, indicible.

Pourtant cette image du papillon m’avait touché par son envol, symbolisé par le bout de papier. L’envol de son âme n’avait-elle pas rejoindre notamment son père décédé, l’année précédente. Elle quittait notre quotidien et ne serait plus vivante sous nos yeux mais dans notre cœur.

Le dernier témoignage fait par une dame pourtant avait quitté la zone de l’émotion, du quotidien pour entrer dans un discours éthéré, parlant d’une philosophie que je rencontrais verbalement pour la première fois. Les mots utilisés étaient différents de ceux que je lisais habituellement. C’était un témoignage d’une communauté qu’elle avait fréquentée dans sa vie quotidienne dont je n’avais d’ailleurs guère entendu parler sinon que le jour avant une autre cérémonie en son honneur s’était tenue à Gent.

Les mots utilisés se retrouvaient dans les traités d’alchimie, dans les textes ésotériques, du nouvel âge, dans l’air du temps aussi, en dehors des traces claires et nettes de la religion chrétienne.

Après la crémation, en arrivant à la salle de réunion qui rassemblait les participants après son dernier hommage, sur une ferme soutenant la toiture, au-dessus de l’espace réservé au repas, un énorme papillon en bois était attaché. Comme une insistance sur le symbole qui avait présidé à la cérémonie.

Une question m’avait traversé plus tard en rapport avec l’absence des hommes de sa génération dans le témoignage, comme si quelque part la figure de l’homme était affaiblie, négligée. Comme si la quête qui transparaissait, mettait en évidence dans sa vie, l’absence d’un symbole masculin sur lequel s’appuyer pour affronter l’existence. Symbole d’un mystérieux double un jour perdu qui avait fait l’essentiel de sa quête et que l’univers ces jours-ci reflétait.