Symboles dentaires.

Mon petit-fils devait en ce premier Août, être anesthésié totalement pour des soins dentaires. L’orthodontiste n’y allait pas de main morte pour éliminer ce qui semblait faire problème. Toute une histoire apparemment surprenante en dehors de mon champ de connaissances. Apprendre que l’on pouvait avoir une dent surnuméraire ne m’avait jamais touché sinon dans son sens symbolique  » avoir une dent contre  » . Adage qui traînait de mon enfance pour marquer une animosité nette contre quelqu’un.

Lui avait une incisive qui poussait derrière les autres et qu’il devait éliminer pour que l’ordre règne dans sa mâchoire supérieure. Là aucun commentaire c’était pour son bien. Heureusement, ce n’était pas visible. Il me semblait opportun de l’enlever sans réserve.

La deuxième dent faisant problème était la dent numéro 15 qui poussait à l’envers. Encore une notion nouvelle pour moi, une dent qui perd le nord, s’oppose aux autres et fait cavalier seule. La chose était connue dans la famille car ma fille en avait parlé plusieurs fois. Le sens de poussée inverse de cette dent était-il fréquent ? Rien n’était dit, ni écrit.

Elle s’était informée auprès des spécialistes en symbolique et cette attitude avait été attribuée à l’histoire du grand-père paternel qui avait eu des problèmes de lignée. Un événement traumatique le concernait. Comme la parole ne circulait pas de son côté, les faits s’étaient perdus chez eux, rien ne faisait problème. Les événements se suivaient et s’oubliaient. Pas question d’en faire mémoire, de se tracasser à ce sujet.

Pour aborder cette matière, j’avais parcouru la littérature, emprunté un livre à ma fille pour essayer d’y trouver un sens mais la complexité et les nuances apportées leur donnaient presque raison. Tout était problème, rien n’était simple. Le sens développé par Estelle Vereeck était intéressant à connaître. Ne valait-il pas mieux s’en servir pour apporter des éléments d’amélioration des changements dans les attitudes pour un bien-être plus important.

La piste symbolique apportait de la matière et je me promettais de reprendre à nouveau un livre à ce sujet pour suivre au mieux les événements familiaux de mon passé et de ce qui se jouait sous mes yeux.

Apparemment le sens caché des problèmes dentaires n’était pas praticable, c’était compliqué si par impossible de tirer un enseignement et par son histoire, de conforter les affirmations de ces spécialistes des symboles et du sens des choses. Nos actes nous suivent sans doute mais ne faut-il pas peser, évaluer, discerner et était-ce si simple ? Les contextes familiaux, les circonstances de la vie n’expliquent pas tout, donnent sans doute une tendance, un renforcement.

L’orthodontiste enlevait pour remettre sans doute de l’ordre mais en créant un trou dans l’alignement de la mâchoire. Par contre l’élimination de deux dents de sagesse en supplément, me semblait faire partie d’un choix économique. La faculté dentaire semblait animée d’un consensus.

« Elles ne servent plus à rien, ne viennent pas quand on les attend et alors les faire disparaître au prix de la mutuelle. C’était simple. A la valeur symbolique de l’opération, le tableau était différent.

Le petit-fils avait donc en ce premier Août perdu quatre dents et était rentré à la maison, joues gonflées, pour une semaine d’alimentation liquide. Pour moi, le pauvre avait souffert à moitié inutilement.

La même semaine, ma mâchoire par sympathie sans doute ou touchée par cette attaque frontale symbolique, perdait sa dent numéro 15, jadis montée sur pivot.

Nous voilà replongé dans l’histoire des générations mais de la mienne, de celle de mes parents aussi sans doute mais qu’en savais-je encore. Mes dents 14 et 15 avaient souffert pendant mon adolescence du même symptôme, d’une faiblesse transmise inconsciemment et qui ressortait chez mon petit-fils. Il n’y avait pas que le côté du père qui était touché, le côté de la mère l’était à travers moi. Le petit-fils était interrogé sur ses lignées grand-paternelles.

Il me fallait l’admettre, de ses deux fils, je me sentais plus proche du dernier, de l’opéré qui avait un tempérament proche du mien. Peu agressif, proche de sa mère et le plus gâté comme l’aurait dit ma grand-mère maternelle.

Était-ce le rapport à la mère ou au père, cette série de dents à droite. Je parcourais activement les pages Internet. Que représente cette rangée de dents celle de 11 à 19, le père ou la mère ? Ma fille avait préféré s’adresser du côté des pères protégeant le côté mère trop souvent engagé par sa responsabilité, dans la littérature, disait elle.

Ma lecture me ramenait au côté mère. N’était-je pas très proche de ma mère dans mon adolescence normée, protecteur surtout après la mort de mon père et en plus le modèle du côté des tantes. En regardant mon petit-fils dans son rôle de second, j’ai remarqué aussi ces caractéristiques, ne laisse-t-il pas à son frère aîné le côté frondeur, briseur de règles comme moi je l’avais fait avec mon grand frère, m’affirmant moins que lui, le laissant ouvrir les portes et bousculer les certitudes.

C’était là pour moi le parallélisme dentaire avec le petit-fils. Au lieu de me séparer nettement du côté mère, je jouais au protecteur. Était-ce dans ce sens que l’image forte et joyeuse de ma fille un jour matin me traversa au réveil, en une sorte de rêve, pour me présenter son fils cadet.

Réponse à mon questionnement, hypothèse d’une réalité s’exprimant et place de fils dans une relation, plus que dans une conquête de la vie sociale et ses perspectives. Association de la dent 15, parallélismes de comportement, absence du père qui ne sépare pas le fils de la mère pour l’envoyer en exploration sur les chemins du monde.