En rase campagne.

Sur le plateau au sortir de l’escavée, le chemin de terre s’allongeait devant moi et s’orientait progressivement vers la gauche. Le sol avait une teinte grise, brunâtre renforcée par la lumière blafarde de la fin d’après-midi.

Mes yeux se fixèrent sur deux tâches humides, sombres crées par des ornières élargies, ovoïdes, remplies d’eau, à une vingtaine de mètres devant moi. Je fus saisi par l’apparence étrange de celles-ci. On aurait dit des yeux qui me regardaient approcher.

« Qui regardait qui ! » La terre ou moi ? Mystérieuse symbiose, l’impression d’être observé par des yeux étranges matérialisés devant moi.

Mystère du monde dans lequel je vis, auquel je participe, par ma présence, mon activité. Suis-je le miroir d’un être mystérieux, la vibration d’un champ invisible que je tente d’exprimer bien malgré moi ?

Suis-je comme une feuille vibrante sous l’influence d’un vent ?

Suis-je un résonnateur animé par une fréquence mystérieuse ?

Cette impression fugace par le balancement de mon pas se dissipe, mon angle de vision n’est plus le même. Le mirage s’estompe, disparaît, me laisse perplexe.

Comme être vivant, j’ai une autonomie de mouvement, de penser que je semble maîtriser, que j’essaye d’améliorer.

Mais alors je ne me sens pas seul ? L’univers est en dialogue avec moi !

Dans mes pensées surgissent incongrues des idées qui ne m’appartiennent pas car leur contenu m’étonne, ne semble pas appartenir au fil de mes compétences, de mes connaissances.

Des éléments surgissent comme de nulle part et me traversent un peu comme ces yeux qui s’animent dans mon paysage visuel.

En moi, un espace inconnu difficile à localiser s’exprime, change mon point de vue et 

m’apporte des idée neuves.

Cette demi-heure de marche a été propice, mon attention n’est fixée qu’à mon pas. 

Une idée autre se met en forme, s’exprime.

Ma lecture du matin sur l’attachement a laissé des traces, la notion revient, je suis dans mes pensées, à nouveau.

Feu continu.

Son énervement et sa colère de gestionnaire, étaient apparentes. Non ce n’était pas possible comme il me le partageait de continuer comme cela pour la consommation d’électricité et de gaz. Dépassées toutes les bornes ! Le montant réclamé qu’il citait valait 10 fois le mien, en cette période de clôture des comptes annuels par la société de distribution d’énergie.

La situation correspondait à ce que la radio annonçait, le prix de l’énergie explosait et lui en tant que responsable en mesurait l’ampleur pour l’ancien bâtiment qu’il était amené à gérer. Toutes sortes de raisons pouvaient justifier cette hausse, en plus du coût de base qui s’appliquait à tous, vu les conditions du marché.

La chaudière vétuste, l’étendue du réseau de chauffage, le régulateur s’il n’y en avait un et last but not least, le comportement de l’occupant.

Pour mon domicile, j’avais aussi été confronté, à la situation énergétique et j’y prêtais attention. Ma dernière décision, était l’installation de panneaux photovoltaïques, après avoir installé, 5 ans plus tôt, une chaudière à condensation et un thermostat programmable.

Mais en fait qu’elle était la nature du problème. Prenait-t-on en compte notre comportement à tous. En retournant le problème, je ne pouvais m’empêcher de revenir à mon enfance et à la manière dont on se chauffait à cette époque.

Non, ce n’était pas le Moyen Âge mais c’était il y a bien longtemps avant, les réseaux de distribution de gaz, avant la pléthore d’équipements techniques de toutes sortes.

A l’époque régnait au village le chauffage au charbon, hé oui, il n’y avait pas la réputation qu’il a maintenant mais il nous tenait au chaud, sous 2 conditions ; d’être proche du feu continu qui régnait en maître dans la salle à manger et d’une maîtrise de la conduite, surtout la nuit où il fallait fermer la clé de la buse reliant celui-ci à la cheminée pour espérer le lendemain, retrouver le feu qui couvait.

Un seul foyer régnait et chacun, autour de lui, bénéficiait de son rayonnement, dans la gamme infrarouge, totalement différente de celle d’un radiateur de chauffage central.

Il n’y avait qu’une pièce chauffée dans la maison car on y pratiquait un comportement oublié «  le nomadisme dans la maison » On s’étendait au salon par un 2e foyer uniquement les jours de fête, dans  la belle pièce comme on disait parfois à cette époque.

Bref l’hiver se passait autour d’un foyer.

Et chez nous, la cuisinière à charbon régnait en maîtresse dans la cuisine, pour les repas des fêtes ou pour assurer le samedi dans un grand chaudron en cuivre, les seaux d’eau qui permettraient à chacun, à tour de rôle, de prendre son bain dans la grande bassine près des portes grandes ouvertes de la cuisinière laissant apparaître le pot rougeoyant.

Pour un premier pas de confort à l’étage, mon père avait percé au plafond, une trappe vers les chambres pour laisser passer quand il gelait un peu d’air chaud et couper ainsi le froid glaçant des chambres.  Les bouillotes, aussi, faisaient partie de l’équipement de nuit, plateaux de terre cuite ou réservoirs en cuivre, de la taille d’un petit pain. La bouilloire sifflait le soir quand elle était à la bonne température.

Époque révolue d’un confort spartiate, oublié sans doute car le pétrole bon marché a modifié les comportements. Mais que se passera-t-il, à notre époque,si le prix de l’énergie continue sa montée incessante.

Nous pratiquerons le point de chauffage unique et chacun se serrera dans la même pièce, la plus petite pour se garder au chaud.

Le confort c’est bien j’en suis adepte mais il faut se le payer.

Et revenant à la conversation avec le gestionnaire, je ne pouvais m’empêcher de penser que comme l’énergie était bon marché, on pouvait lui assurer un confort correct. Mais maintenant c’était un peu comme donner sa carte de banque à ses enfants, non concernés, par la réalité des choses, la sobriété de son portefeuille, car ils penseraient : « L’intendance suivra ! »

Pas évident de parcourir en sens inverse les chemins de liberté et d’aisance qui nous bassinent depuis des années.