
Sur le plateau au sortir de l’escavée, le chemin de terre s’allongeait devant moi et s’orientait progressivement vers la gauche. Le sol avait une teinte grise, brunâtre renforcée par la lumière blafarde de la fin d’après-midi.
Mes yeux se fixèrent sur deux tâches humides, sombres crées par des ornières élargies, ovoïdes, remplies d’eau, à une vingtaine de mètres devant moi. Je fus saisi par l’apparence étrange de celles-ci. On aurait dit des yeux qui me regardaient approcher.
« Qui regardait qui ! » La terre ou moi ? Mystérieuse symbiose, l’impression d’être observé par des yeux étranges matérialisés devant moi.
Mystère du monde dans lequel je vis, auquel je participe, par ma présence, mon activité. Suis-je le miroir d’un être mystérieux, la vibration d’un champ invisible que je tente d’exprimer bien malgré moi ?
Suis-je comme une feuille vibrante sous l’influence d’un vent ?
Suis-je un résonnateur animé par une fréquence mystérieuse ?
Cette impression fugace par le balancement de mon pas se dissipe, mon angle de vision n’est plus le même. Le mirage s’estompe, disparaît, me laisse perplexe.
Comme être vivant, j’ai une autonomie de mouvement, de penser que je semble maîtriser, que j’essaye d’améliorer.
Mais alors je ne me sens pas seul ? L’univers est en dialogue avec moi !
Dans mes pensées surgissent incongrues des idées qui ne m’appartiennent pas car leur contenu m’étonne, ne semble pas appartenir au fil de mes compétences, de mes connaissances.
Des éléments surgissent comme de nulle part et me traversent un peu comme ces yeux qui s’animent dans mon paysage visuel.
En moi, un espace inconnu difficile à localiser s’exprime, change mon point de vue et
m’apporte des idée neuves.
Cette demi-heure de marche a été propice, mon attention n’est fixée qu’à mon pas.
Une idée autre se met en forme, s’exprime.
Ma lecture du matin sur l’attachement a laissé des traces, la notion revient, je suis dans mes pensées, à nouveau.