
Est-ce parce qu’ils sont revenus vivants qu’ils se sont mis, après cette brisure de vie, en marge de la société, qu’ils ont été muet sur ce passé, qu’ils sont rentrés dans l’anonymat sans une « Rue à leur nom », simplement inclus dans l’Avenue des prisonniers de guerre.
La page a été tournée à leur retour, la vie a repris ses droits.
Quatre ans de sa vie dans un bagne, ce n’est pas rien. Quelle absence dans une histoire familiale. Qu’en reste-t-il, dans les générations suivantes ? Des traces qui émergent de l’oubli familial ?
Ils ont quand même perdu non leur vie, mais quatre ans de convivialité et de rencontres. Pourquoi cet abandon de mémoires ?
– Au décès du propriétaire, ancien prisonnier de guerre, la maison a été vendue, avec son mobilier, par les héritiers. Il n’a pas d’enfants.
L’acquéreur trouve dans les tiroirs d’une commode, une enveloppe contenant des lettres écrites, 40 ans plus tôt. La correspondance du propriétaire à son épouse, alors qu’ils étaient séparés par la guerre.
Puis ce classement par l’acquéreur, en attendant. De fil en aiguilles, les lettres aboutissent au cercle d’histoire.
Après quelques mois de guerre, le retour de l’exode, la correspondance avec les prisonniers s’était établie, sans doute, sous les effets des efforts de la Croix-Rouge.
La voie postale fonctionne sous conditions, de messages limités, dans la longueur, sous un format défini. Une censure stricte limite les sujets souvent réduits, non à la vie du camp ou à la nourriture, mais à des projets des souvenirs, des petits mots d’encouragements.
Rappeler à ceux qui sont loin, les espoirs de changement de vie, enfin quand la guerre sera finie. Souvent la famille proche, des amis sont cités. Quelques noms apparaissent venant du tissu social, discrètement.
Un échange de colis semble possible d’abord, puis régulier, surtout avec le temps qui passe,
Colis qui allègent la vie au camp, là-bas.
– Curieusement, à cette série de lettres par le courrier existant, un autre ensemble de lettres me parvient ; celles d’un officier inconnu. Lettres abandonnées, par le locataire de l’appartement d’un ami.
Lettres d’une autre nature, plus dans la clandestinité. Les petits mots sont cachés dans les colis qui s’échangent. Message d’un officier à sa bien-aimée. Seul le prénom de l’élue est noté. Aucun indice ne permet de le situer lui, le prisonnier. Lettres sur du papier à cigarettes ou du papier gras, d’une écriture fine. Lettres d’espoir d’une vie commune à établir dans le futur. Lui n’est pas abandonné comme pas mal de ses pairs.
La relation se maintient platonique avec sa fiancée, Francine qui l’attend. (*)
Deux univers de prisonniers bien différents, l’un identifié, l’autre inconnu.
Tranches de vie volées, dans le passé, dont le souvenir se perd, dans les tiroirs.
(*) https://corpssensations.org/2022/05/25/le-prisonnier-inconnu-2/