Session d’Octobre en MLC.

La session de MLC vient de commencer avec un petit nombre de participants. L’espace disponible met plus à l’aise qu’à l’habitude. Les exercices débutent et restent centrés sur la respiration, sur la détente du thorax. Prendre conscience de sa posture habituelle, sentir l’alignement de ses épaules. Sont-elles à la même hauteur ? Perpendiculaire à la marche ?

Je pense car dans un passé récent, j’avais ressenti mon épaule gauche plus en avant comme bloquée dans un mouvement de protection. Depuis elle se libère, s’est libérée ? C’est tellement lent, subtil. Avec tous les craquements qui surviennent régulièrement de ce côté, lors d’un mouvement du bras gauche, puis-je dire qu’elle est enfin libérée ? Qu’elle a retrouvé la souplesse idéale. Je n’en ferai pas un plat, je constate simplement qu’aujourd’hui, elle m’a l’air en place.

Lentement, progressivement la praticienne de sa voix douce et régulière nous fait suivre un parcours d’assouplissement, de mouvements, de ressentis.

Abandonner le poids du monde qui est sur nos épaules, nous libérer des charges qui nous pèsent. Cette approche par le biais de la pesanteur semble avoir un effet ricochet en moi, un effet sonore.

La phrase de Françoise Dolto venant de ses écrits résonne dans ma tête « allant, devenant ». Elle parle du développement de l’enfant qui veut se lancer à la conquête de l’espace qu’il pressent devant lui. Souplement, volontairement, il se déplace bouge, cherche, se redresse.

A mon âge, j’en suis loin. Toutes ces difficultés qui m’ont enfermé, qui ont créé ma carapace de protection sont là, fragilisée par le mouvement.

Sont-elles tombées ? Peut-être ? Le concept « allant, devenant » prend l’opposé de la démarche proposée.

Ce n’est pas ma tête qui laisse tomber les tensions, qui les écartent comme pesantes, néfastes. Non. C’est mon envie de vivre qui sort la tête et qui part en exploration. C’est mon Hara, centre de vie qui se dresse pour être au monde. Je suis dans la vie qui m’est donnée, entièrement. Fluide décidé à goûter les mouvements qui m’animent. Ce n’est plus la voix qui m’emporte, c’est l’énergie forte et ferme qui s’élève en moi et qui me tient droit à mon âge, je me sens branché comme je suis, à cette source qui est celle de la vie.

Je suis « allant, devenant » vers une journée qui sera remplie d’événements ou banale peu importe, c’est la seule qu’il m’est donné de vivre aujourd’hui. Je suis là, en mouvement avec cette voix intérieure qui me conduit, à faire confiance à mes ressources telles qu’elles sont aujourd’hui. Le poids dont je le monde est chargé, n’est-il pas souvent illusion, projection.

Tenir sur la tête un chapeau lourd et garni en équilibre pour me tenir droit. Peut-être ? Chapeau protection ? Je préfère l’image déjà reprise précédemment du plateau de fruits en équilibre. Il doit être porté horizontalement pour ne rien perdre. Je dois me tenir droit comme un i, m’aligner sur mon centre pour me stabiliser, pour laisser passer l’énergie. La force ne vient pas de l’objet porté, elle prend son départ en moi. Je veille à sa direction, elle prend son départ de mon tréfonds. C’est moi la référence, le point d’appui.

D’assouplissement en assouplissement, mes épaules s’ouvrent, gardent récupèrent de la souplesse. Je suis là, au mieux de ma forme. Je suis « allant, devenant » aujourd’hui.

La balle magique.

Après le congé de la semaine dernière, la cession de MLC reprenait et je me dépêchai pour rejoindre la salle d’exercices. Ce mois-ci, le rythme des sessions était régulier avant la période des grandes vacances.

« Tiens aujourd’hui, le programme semble différent. » En effet, dans le matériel nécessaire, une balle dite magique devait y être inclue. De la taille d’une pièce de deux euros, elle présentait en son milieu un décor particulier. J’étais tombé sur la tortue. Une participante en mal de vue, me demanda le décor de la sienne. Il ne faisait pas partie de mon champ de connaissances ; l’univers des Mangas. Et qu’importe, je lui préférais l’image de la tortue.

Ustensiles de torture, peut-être car sa rigidité pouvait entraîner des douleurs à l’endroit où l’animatrice nous demanderait de l’installer.

Étais-je plus détendu qu’à l’ordinaire ? Peut-être qui sait ? En tout cas l’ambiance du groupe était agréable. Nous étions couchés comme à l’habitude sur le sol et suivions les indications de la monitrice, d’abord pour le positionnement des accessoires divers, et puis étions entrainés dans les exercices du programme et des mouvements qui y correspondaient.

Le rythme du jour était lent, plus qu’à l’ordinaire. Plusieurs fois, je m’étais retrouvé face à une sensation inhabituelle, celle d’un calme profond où aucun bruit ne traversait la pièce. À l’extérieur, c’était aussi, vu la température ambiante, déjà élevée, le calme le plus complet. J’essayais de ne pas me laisser envahir par la tâche ingrate du jour qui m’attendait avec son cortège d’appels téléphoniques pour trouver de l’aide. Un combat entre être là et être en dehors à œuvrer sans résultats, dans les soucis, les peut-être, les si.

Difficile d’être là, à ressentir mon corps, ses tensions, ses ouvertures, ses blocages. Je me recentrais à plusieurs reprises sur ma respiration pour l’approfondir, la faire passer sur la hanche que l’on était en train de travailler, sur le bassin soutenu à ce moment de l’exercice par les balles de tennis. Bref, j’essayais d’oublier l’extérieur pour me concentrer, guidé par sa voix douce et régulière, dans l’exercice qui sollicitait maintenant mon trapèze à gauche, à coté de l’omoplate. La balle magique posée sous la jonction trapèze-omoplate ne me faisait pas mal malgré sa dureté, mon bras, dressé verticalement, tournait lentement pour assouplir l’épaule. Après le temps de l’exercice dupliqué du coté droit, pour l’équilibre, et le retour à la position sans accessoires, dos sur le tapis, un temps de présence au corps.

Pendant un temps où sa voix s’arrêta pour nous mettre face à nos sensations, je me laissais faire. Ce calme m’impressionnait, me laissait esseulé au milieu des autres, bien silencieux quand, pour une première fois, un mouvement nouveau se mit en route lentement. Le haut de mon corps s’animait d’un mouvement profond venant de l’intérieur comme un spasme,  lent,  puissant. Je l’observais avec étonnement constatant sa nature, son amplitude. Comme une respiration des muscles d’un mouvement de bascule sur l’axe des épaules d’avant, en arrière, une vague interne oscillait lentement. Mon torse se bombait naturellement. Mes clavicules, mes clés avaient dû s’ouvrir laissant un rythme primaire trouver son ampleur. J’étais spectateur, assistant à un mouvement surprenant.

Après de longues séances sans particularités, ternes ou plates, cette ouverture me renvoyait à un moment magique d’avant dans la même zone, mouvement orientée par rapport au port de la tête. (1)

Détente offerte donnée à celui qui se laisse porter par son thérapeute intérieur. Comme pour compléter le tableau, en guise de pousse-café, en fin de session pour la phase de réveil, je me lançais spontanément dans un balancement des jambes pliées, de gauche à droite en va-et-vient. Elles se mirent à trembler laissant l’énergie circuler, me surprenant aussi car depuis longtemps, j’attendais, je guettais ce type de mouvement spontané, signe d’un travail mieux fait, rémunérant.

Mystère du mouvement spontané qui agit à sa guise sur mon corps étendu quittant la relaxation pour reprendre le cours du temps d’activité qui m’attend.

Flash sur l’image de la balle magique reçue et qui montre la carapace d’une tortue. A présent avec ma nouvelle perception, elle me renvoie à ma carapace, à mon corset de muscles figés qui me tissent et dont le goût de liberté m’a été offert, à moi le gisant, en bombance.

Pourquoi ne pas reprendre la phrase de Christian Bobin rapportée par une participante trois semaines plus tôt et remémorée en fin de séance.

« L’étirement du chat est un livre de sagesse qui s’ouvre lentement à la bonne page » et en jouant avec les mots pour résumer l’ambiance de ma séance,

« L’ouverture musculaires est sagesse du corps qui s’ouvre lentement à la bonne plage. »

(1) Lien à cliquer vers le texte   Gymnastique douce

Gymnastique douce.

« En annexe le programme de gymnastique douce pour lequel je me suis réinscrite fin août. N’hésite pas à y participer ! Tu aimeras, j’en suis sûr. ! De plus l’animatrice est sympa. »

Le message inhabituel de ma jeune soeur m’avait intrigué. Dès la lecture des informations et selon son conseil, je m’étais inscrit pour cette aventure physique qui me semblait de plus en plus nécessaire. En effet, les derniers mois ayant été trop sédentaires, j’avais constaté que mes articulations commençaient à perdre leur mobilité.

Cinq jours en suivant, je m’étais retrouvé sur le tapis deux heures d’affilée à réanimer l’ensemble de ma musculature. À petites doses, les techniques proposées réveillaient des pans entiers inactifs et rigidifiés de mon réseau musculaire. Oui vraiment il était temps qu’une fois de plus, je quitte ma tête pour m’occuper de mon corps.

Les exercices faits couchés agissaient sur toute la membrure et me laissait le matin en me levant, l’impression d’avoir fait un énorme travail physique. J’étais rempli de courbatures. Ma respiration devenait plus ample, une fatigue s’installait en même temps que l’impression d’exister, d’avoir un corps. De temps à autre, un flash me traversait notamment la sensation de me tourner bien plus à l’aise pour regarder à travers la lunette arrière de la voiture.

Corps et esprit étaient liés par l’imagination ! Je pouvais contribuer à l’exercice l’imaginer plus que le faire et le corps en tenait compte, répondait.

Au supermarché, l’idée d’appliquer un truc proposé par l’animatrice me traversa. J’imaginais que comme une africaine, je portais un plateau de fruits sur la tête. Surprise totale, étonnante, une vague de plaisir m’envahit. Le mouvement suggéré, esquissé mentalement venait de libérer quelque chose dans mes épaules. Ma manière voûtée de marcher venait de s’estomper. Les clavicules s’étaient ouvertes vers le haut.  Fier comme Artaban, je déambulais derrière le caddie comme pour un défilé de victoire. Le haut de mon corps s’était libéré en ouverture. Un blocage ancien venait de céder. La colonne cervicale s’était détendue prolongeait la dorsale. J’étais droit, je vivais plus, je vivais mieux.

Le poids du passé, d’un passé venait de tomber. L’impression ancienne d’être comme un chien battu trouvait peut-être son origine là dans le port de la tête. Je prenais plaisir à faire basculer les articulations de l’épaule vers l’arrière. Je gonflai mon torse et me trouvait joyeux, serein.

Pour me doper, j’avais à disposition, une petite recette bien efficace. Non pas manger cinq fruits, mais virtuellement les porter sur mon petit plateau de tête.

Basculer les épaules vers l’arrière pour porter mes fruits et bien-être immédiat. Etre droit, être là. Le truc me semblait surréaliste.

Cela pouvait sembler un exercice banal pour celui qui possédait la mobilité complète, un exercice qui n’avait ni queue ni tête. Car ce qu’on a, on ne le connaît plus. Comment savoir ce qu’est la liberté, si on l’a toujours connue. Quand on à la souplesse comment connaître l’effet d’un muscle qui lâche.

Pour moi dans toute ma rigidité ce n’était pas rien. C’était le bouchon qui venait de sauter « Champagne ! ». Vraiment, c’était ma fête.

Avec attention, plus d’une fois pendant les exercices, l’animatrice avait observé la courbure de mes cervicales et apporté un 2e support sous la tête, témoins à posteriori du chemin à parcourir. En 4 séances, je l’avais parcouru et venait de décrocher la timbale.

Les dernières années, j’avais cru par le chant assouplir ma voix, augmenter ma capacité respiratoire mais cela ne semblait pas être la voie radicale. Il fallait que plus haut le chemin se dégage. Il fallait qu’une porte s’ouvre. Le haut de ma colonne venait enfin de s’assouplir libérant les muscles permettant une mobilité haute que je ne connaissais pas.

Petite constatation du progrès accompli, ma main droite peut à présent atteindre dans mon dos, l’omoplate gauche. Point de repère de la liberté angulaire gagnée, indicateur du progrès encore à faire. Mais la percée est faite. Je sens et je sais qu’il me faut travailler à ces mobilités supérieures trop longtemps ignorées.