Pour la première fois depuis qu’ils étaient orphelins, mes trois petits-enfants avaient acceptés de passer une journée à la maison sans leur père. Pour les garçons à l’occasion, il leur arrivait de venir chez nous sans trop de difficultés mais pour leur sœur, c’était un » Non » catégorique. Pour ces vacances de Pâques, elle avait accepté la proposition de faire du shopping avec sa grand-mère pendant que j’allais avec les garçons visiter le musée des Sciences naturelles. L’événement était de taille et le bienvenu surtout car cela supposait de sa part un pas vers le retour à des relations normales et conviviales.
Était-ce sa pré-adolescence, le moteur de son mal-être, de son agressivité ? Chaque fois que nous étions sur son territoire d’orpheline, d’une certaine manière, elle repoussait toutes tentatives de réconciliation, de bien vivre ensemble.
C’était la tigresse de service, toujours prête à en découdre sauf ce jeudi ou son cadre de références semblait avoir bougé.
Qu’allait donner cet après-midi qui s’annonçait, après nous avoir déposé à la gare pour notre expédition culturelle !
L’inattendu, la surprise était venue par le délégué de la compagnie des eaux qui avait sonné pour proposer le remplacement du compteur à eau arrivé à son terme légal. Il proposait de le remplacer illico car datant de 2003, ce jour où plus tard sur rendez-vous. Vu les courses prévues, l’option fut de choisir le rendez-vous. La porte du changement s’ouvrait.
» Tiens le compteur d’eau à mon âge, dit-elle, il est de l’année de ma naissance. »
Les souvenirs que lui partage sa grand-mère sont divers, multiples. Elle les accepte sans réserve. Elle s’ouvre à un échange sur le passé, comme jamais avant. Elle n’est plus sur son territoire, tout semble possible.
« Tu sais lui dis sa grand-mère, j’ai offert pour son passage en clinique une belle valise à ta mère, cette année là. »
« Ah oui la valise, je l’ai toujours »
« Tiens je croyais qu’elle était perdue, égarée,. Ton père ne la retrouvait pas. Il la cherchait ! »
La confusion se leva, chacun avait un souvenir différent, le père d’une valise PVC dur, mon épouse d’une valise souple avec des poches. L’objet perdu dans les imaginaires est retrouvé, l’objet, le grain de sable dans l’engrenage s’est écrasé, le mouvement se remet en place. Les conversations deviennent fluides apparemment, l’agressivité habituelle n’est pas au rendez-vous. Elle n’a pas la position de repli de sa chambre où elle passait souvent les après-midi de nos visites. Ici elle n’est pas chez elle.
L’atmosphère pourrait changer à l’avenir, la fluidité revenir par ce simple déblocage symbolisé par le remplacement du compteur à eau datant de 2003. Est-ce la remise à zéro des sensations, des sentiments négatifs. En tout cas l’image est belle et plaisante.
Synchronicité des états extérieurs et intérieurs. Notre vœu de retrouver avec elle la fluidité et la douceur, la tendresse va-t-il être exaucé ? Moment de grâce, entre elle et le temps consacré au shopping, à l’achat d’un petit cadeau pour tous pour la fête de Pâques. Fera-t-il merveille ?
L’avenir s’est ouvert sur une autre dimension.
À la fin de la journée, elle s’est associé à la fête du Dimanche suivant, en acceptant de préparer un gâteau, qu’elle fera à merveille. Elle est dans la participation, dans le soutien de la fête que sa mère remplissait si bien face à mon épouse. Dans les trois jours, ils reviendront avec le gâteau sec.
Comme avant la fluidité familiale s’était remise à couler. Je le crois. C’est Pâques, c’est la résurrection, le retour à une autre dimension familiale.
Elle en a pris le parti ? Croisons les doigts !
Un ange est passé.