Colères cachées.

Ma poupée indonésienne, cadeau précieux, inattendu d’un membre du groupe de stagiaires, était par terre, à l’entrée du corridor, tombé de l’archelle ou elle trônait, en totale symbiose avec le fond bleu de la tapisserie.

Témoignage gratuit, cet objet représentait à mes yeux les fruits d’heures et de contraintes, de dévouements, à un groupe de 15 personnes, pendant six semaines et le seul signe de reconnaissance face à un travail épuisant. C’était même le seul signe visible d’un long effort de plusieurs années, le salaire de mon dévouement et de ma peine et à présent comme un vulgaire chiffon, un événement fortuit, un geste manqué, lui avait fait mordre la poussière. Aucune main charitable ne l’avait remise en place.

Un sentiment de colère m’envahit l’entièreté du corps, comme pourrait le faire le souffle d’une explosion intérieure.

Etrange sensation, inconnue semblait-il d’une manifestation énergétique rayonnante à partir de mon centre de gravité.

Monde souterrain caché, prenant brusquement vie pour venir mourir au col de mon être, à hauteur de la gorge comme une vague de tempête sur le rivage. Un frein puissant, un ressaut de conscience l’avait étranglée, réduite au cou pour protéger la tête agissante qui le surmontait.

Tout avait été maîtrisé, le geste vengeur, la voix stridente, l’explosion dévastante se déchargeant sur un objet ou une personne.

Colère tapie au fond de mon être, blessure ancienne, mise à vif, mettant en jeu la reconnaissance et la valorisation subtile qu’un étranger m’avait donnée.

Colère ancienne, soulevant le couvercle depuis toujours bloqué. Colère cherchant l’issue rédemptrice des tensions et des blocages dont elle est entourée.

Colère image de celle de mon fils dont le pied vengeur s’exprimait violemment sur la porte fenêtre le séparant du chat, mendiant le plaisir de rentrer se coucher au chaud.

Colère tapie dans la nuit du temps passé, contre la personne tutélaire qui n’avait pas compris la profondeur du mal et qui persistait à réclamer respect et considération par delà le sentiment qu’il fallait par convenance écraser à tout prix.

Colère du poing rageur de mon fils qui se détend avec violence sur le montant en bois de la cloison.

Colère de mon père touché dans sa blessure vive par ma soeur et dont les poings martèlent le dos de la coupable.

Colères de famille, émotions non dite qui explosent et qui brisent autour d’elle.

Colère danger, de proximité d’une émotion de non reconnaissance, d’autorité, de valeur écrasée.

Colère énergie tournant en rond comme une tornade, sans pouvoir se détendre, sans danger, dans l’espace et l’ambiance.

Image fondamentale opprimée et qui sous la douleur, veut se redresser, reprendre sa dignité, sa valeur.

Janv95-(G28)

Bienvenue à ceux qui cheminent.

Comme je ne portais pas mon attention à ce corps qui me portait, celui-ci s’est rappelé  à moi dans le domaine des sensations. Pas à pas, au cours du temps,  le chemin s’est déroulé lentement, avec ses temps d’attente, de flashs surprenants, de temps d’ignorance, de joies profondes.

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« Ceux qui ne bougent pas, ne sentent pas leurs chaînes ».(*)

Les billets classés dans  » Catégories »,  sur ce blog témoignent dans l’ordre chronologique de ce parcours d’abandon, à ce thérapeute intérieur qui nous protège et qui nous conduit, sur notre chemin d’individuation.

André-Luc Boxus

 

(*)Rosa Luxemburg