Réflexologie

« Comment va votre estomac ? »  D’emblée le décor était déjà planté, sans que j’y sois pour quelque chose sinon d’avoir découvert mes pieds et d’ être couché sur une table de massage. Cette question de la réflexologue arrivait à bon escient, mettait une fois de plus le doigt sur un des aspects essentiels de la problématique du moment.
C’est vrai que quelque chose n’allait pas à ce niveau, ma fluidité retrouvée au niveau du bassin ne s’était pas élevée progressivement, vers le haut de la colonne comme je l’avais espéré. Tout le haut semblait encore bloqué à partir de l’estomac .
Centre d’émotion, jadis marqué par des événements oubliés, plexus bloqué, figé, bétonné.
Fallait-il mettre en rapport ces émotions avec l’avalanche de tristesse qui avait suivi mon rêve à propos du collège fait en Ardèche. Depuis ce moment-là, il me semblait qu’une tristesse se promenait dans ma tête, dans mon être, à la recherche d’un exutoire. Comme si cette boule de tristesse fixée à l’adolescence ou plus tôt était en train de s’expanser et de sortir de sa cachette.
C’était également le mot « tristounet » qui résonnait depuis quelque temps dans ma tête. Il s’associait à l’ambiance en question, à un moment, en était l’état verbal. Ma voix chargée d’émotions, de peines, avait perdu son timbre naturel et prenait celui de l’enfant pleurnichant.

La position couchée lâchait les freins, bousculait les montages et les larmes s’écoulaient par les fissures de ma carapace. Papillonner c’est bien, mais cela ne mène nulle part. Il me fallait prendre le taureau par les cornes, aborder l’image du père, l’agir du père. N’y avait-il pas des problèmes maintenant au niveau des dorsales. N’était-ce pas le père qui se marquait dans les tensions au niveau des épaules. Retrouver la mobilité du dos, c’était la nouvelle aventure, comme l’aventure du bassin était celle de la mère.

La respiration qu’elle me proposait de faire en tant qu’exercice entraînait en moi, agrandissait la sensibilité de mon corps, lui donnait une liberté surveillée. Avec elle, j’avançais sur le chemin difficile de cet affrontement.
« J’ai des crampes au milieu de la voûte plantaire, côté intérieur ! » « Oui, dit-elle, c’est la zone de l’estomac. » Le tout était cohérent. D’un mouvement doux, elle massait lentement cette zone sensible témoin de l’état des organes placés plus haut.
L’estomac est le siège du transfert de la nourriture vers l’intérieur comme les poumons le sont de l’air. Symbole à pousser plus loin, à examiner, à laisser vivre où commence cet écheveau.
Sans contrat cela ne sert à rien, il faut aller là où c’est difficile. Il faut traverser le désert ou la zone de tempête. En amateur rien n’est possible.
C’est vrai que j’avais tourné en rond qu’elle depuis quelque temps, qu’avec la pratique de plusieurs voies, je n’étais allé nulle part. J’étais face à cette tristesse, il me fallait l’assumer. Ce plexus était le chakra suivant à ouvrir mais il me fallait rencontrer la boule d’angoisse de mon adolescence, celle qui fixait mon intention et celle de ma mère, jadis.
Le samedi midi au dîner, au collège avant les dernières heures de cours et le bulletin distribué par le directeur, elle était déjà là.Angoisse du départ, angoisse de retour au milieu familial inquiétant. Sortie hypothétique conditionnée au bulletin de l’après-midi,collège inquiétant
Angoisse du père, angoisse des pères. Mon angoisse.
Jan 1990