Pylore, pilori.

Dans cette aigreur et ce brûlant récurrent, le mal vécu de mon boulot, devait y être pour quelque chose. Cela me devenait de plus en plus clair. Les périodes sombres tendues dans mes relations de travail étaient suivies de troubles d’estomac, principalement d’acidité, d’aérophagie. Souvent, je n’en disais mot et gardais cette nausée pour moi, sans trop prendre conscience que j’étais aussi irritable et irrité que devait l’être ma membrane gastrique. Machinalement, je frottais sur mon estomac avec le souci inconscient d’évacuer au loin cette gène que je percevais. Un curieux ballottement se produisait, semblable au comportement d’une bouillotte mal remplie ou d’un réservoir à essence. Il y avait du mouvement dans ce ballon ballottant.

« Tu n’es pas bien? me dit-elle, intriguée par mon comportement.

« J’ai mal digéré. J’ai le brûlant.  »  « N’oublie pas ton médicament ! »

Bien sûr, bien sûr. J’en avais en réserve pour me soulager de cette brûlure. C’était ma seule ressource d’ailleurs.

La soirée se poursuivait dans l’ambiance tranquille d’une soirée familiale d’hiver. Le téléphone transmit son appel, persistant et rythmé sous mon indifférence complète. Ce n’était pas pour moi à cette heure. C’était l’heure des amies de ma femme et des amis des enfants. La conversation animée qui suivit me désigna sans la moindre doute, la féminité de l’appelante et ses soucis. C’était une amie de ma femme qui entraînait la conversation dans un de mes domaines favoris du moment : les rêves. C’était son rêve de la nuit passée. Mon épouse m’appela pour en partager l’écoute et pour participer à ce jeu futile et profond de l’interprétation des rêves. La conversation s’animait, se poursuivait à présent dans un échange profond, sensible, vivant. Curieusement mon corps fut animé par un bruit d’air, par un gargouillis à hauteur de la poitrine. C’était une décompression. Au propre comme au figuré, dans le corps comme dans l’esprit, je vivais une relaxation. Mon corps fonctionnait à nouveau tant l’échange verbal avec l’auditrice était chaleureux. Le phénomène de l’acidité trouvait son explication, je savais à la fois intellectuellement et physiquement.

Ma tension nerveuse disparue, le blocage de l’air qui entraînait le ballonnement et l’acidité se résorbait, plus loin que mon estomac, la barrière du pylore s’ouvrait me libérant. Quelle vérité que cette phrase de notre langage commun : » Il m’a coupé l’appétit. » L’estomac bloqué à sa sortie, n’accepte plus rien, refuse son service, rend son acidité. Mon vécu se marquait physiquement, c’était psychosomatique, cette acidité.

Un souvenir ancien, de plus de 10 ans, me revint à l’esprit. Je ne pouvais plus respirer qu’avec difficulté, par petites doses seulement, lentement, bruyamment. Sous la panique, j’attendais le médecin, appelé d’urgence et respirais vaille que vaille. Un quart d’heure plus tard, dés que la sonnette retentit, le phénomène disparu immédiatement, j’étais guéri, libéré. J’étais frais dispos pour le recevoir, moi le grand malade, le moribond.

C’était maintenant la même chose, le même phénomène, l’air accumulé et bloqué dans mon estomac se détendait, ici libéré par la parole, par le rire, avant par la figure secourable du médecin.

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